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Chasse à courre au fond du verre...(1)

"- Dis, Oncle Olif, il est bizarre, ton vin, il sent le vieux renard!

- Il n'est pas bizarre, Toto*, c'est même tout à fait normal. Laisse-moi plutôt te raconter la fabuleuse histoire ... de Fox et Rouquin!"

 

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L'automne. La saison de la chasse. L'occasion de remonter de la cave des vins rouges cossus, évolués et complexes, aux saveurs parfois animales, pour accompagner la cuisine du gibier. Ce qui se ressemble s'assemble. Le renard est alors souvent de sortie au fond du verre. Traquons-le du naseau, tel un véritable Nemrod, afin de bien choisir son compagnon de table.


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Classiquement, l'arôme de "gibier noble" retrouvé dans le verre est un arôme tertiaire qui apparaît lorsque le vin prend de l'âge et que sa robe commence à brunir par effet de réduction, réaction chimique inverse de l'oxydation. On dit alors souvent que le vin "renarde" ou, si l'on préfère le prononcer le petit doigt en l'air, un monocle à l'œil droit et une tasse de thé à la main, qu'il développe des arômes "foxés". Cette note aromatique animale est apportée par des composés phénols (paracrésol, vinylphénol, indole...) et contribue à la complexité du vin lorsqu'elle n'est pas dominante. Elle est plutôt caractéristique des vieilles syrahs, du mourvèdre et du merlot. Sur des vins jeunes, on la retrouve également dans le carignan (avec son classique et fameux "cassis giboyeux"), mais aussi le ploussard jurassien, cépage très réducteur dans sa jeunesse. Le "renard" précoce, sur un vin jeune, s'apparente souvent à un phénomène de réduction marquée. Il convient alors de l'amadouer par un carafage vigoureux, afin d'oxygéner copieusement le vin. Exagérée et/ou dominante, cette composante foxée peut également correspondre à une contamination du vin par des levures, les brettanomyces, qui favorisent l'émergence de certains phénols. Ces "bretts" se développent dans des milieux non aseptisés, sur des vins souvent peu protégés en SO2, et ne constituent un véritable défaut que lorsqu'ils sont dominants, à l'origine de déviances aromatiques triviales et campagnardes qui ne disparaissent pas à l'aération du vin. A dose modérée, ils ne perturbent généralement que les dégustateurs mondains parfumés au patchouli. Ils donnent naissance à un bouquet subtilement sauvage, accentuant la  complexité aromatique  du vin, en se mêlant aux saveurs fruitées et/ou minérales de celui-ci. Le civet de lièvre adore ça!

A côté des notes foxées, les vins rouges peuvent également développer un arôme de civette, violemment animal, qui n'est pas sans rappeler la fiente. La civetone, l'indole et le scatol, c'est caca! Sans être scatophile, ces composés chimiques, à l'origine de senteurs musquées, parfois fécales, sont pourtant loin d'être inintéressants, à  petites doses, dans le bouquet d'un vin. Des substances par ailleurs très prisées en parfumerie, à l'odeur entêtante, et qui sont extraites d'une glande située sous la queue de la civette, petit animal africain vaguement cousin du putois. A ne pas confondre avec les effluves de Tante Yvette, musquées également, mais par négligence et défaut de coquetterie. Ces notes de civette sont réputées classiques de l'évolution de certains vieux grands vins de Bourgogne, irremplaçables compagnons des tables de gibier.

 

 

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A titre d'exemple, quelques beaux vins de gibier qui ont été testés avec bonheur en ce début d'automne: d'abord, une série de crus de Gevrey-Chambertin 1998 du domaine Trapet (2 grands: Latricières et Chapelle, un premier: Petite Chapelle) sur un sanglier de 7 heures,  et ensuite un Cairanne L'Ebrescade 2004 de Marcel Richaud avec un civet de lièvre. Les autres grands vins de gibier réputés sont à rechercher du côté de Châteauneuf du Pape, Bandol, ou encore Côte-Rotie. Liste non exhaustive, puisque l'on pourra également trouver son bonheur dans un vieil Arbois cépage Trousseau.


- Merci, Oncle Olif, je vais pouvoir aller me coucher plus intelligent qu'hier.

- Bonne nuit, petit garnement, et fais de beaux rêves! Pom popopo pom pom...



Oncle Olif

 

 

Bibliographie: Les arômes du vin de Michel Moisseef et Pierre Casamayor, Editions Hachette

 

P.S.: billet écrit pour Fureur des Vivres en novembre 2009


Commentaires

  • A te cramponner sur ces composés carbonés, c'est dommage
    Qui plus est, y mettre du vin de Jean Louis Trapet, quelle décadence !
    C'est bien dommage quand on est du Jura et qu'on jouit des vins qui ont subit la minéralisation la plus poussée grâce aux levures de voile, de se consacrer ainsi aux substances carbonées... Au diables les crésols, indols, phénols, etc
    Tu sombre dans le bettanol, pire dans le parker !

    Si tu veux de la chimie de l'oxydation : le propre d'une oxydation d'un vin n'est pas de révéler les arômes à travers tel ou tel produit d'oxydation, mais c'est de constituer une décomposition plus avancée de la matière organique (minéralisation) et donc de libérer davantage de sels minéraux de leur matrice organique.
    Tu comprendras ainsi mieux l'intérêt de ne pas figer un vin avec du soufre car l'oxydation c'est de la minéralisation.

    Amicalement
    David Lefebvre

  • Au risque d'alourdir mon bilan carbone, je pense encore persévérer dans la même voie encore un peu pour enrichir cette thématique de Fureur des Vivres, David. Sucer des cailloux ne nourrit pas toujours son homme. Et décader avec les vins de Jean-Louis Trapet, j'assume aussi. J'en ai plein la cave, achetés il y a de nombreuses années. Des millésimes anciens qui commencent à bien se boire, malgré leur taux de soufre et leur manque de minéralité. Il faut de tout pour faire un monde du vin! Y compris de l'oxydation, mais de préférence ménagée et en fût.

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