Deuxième étape de cette immersion dans le vin naturel, Lyon. Embarquons pour le Salon Rue89 des vins naturels! Changement de décor, mais toujours en bordure de Saône. Après les Subsistances, place à l'Embarcadère, espace d'évènements superbement rénové et adapté pour la circonstance.

Cinquante vignerons natures débarquant quai Rambaud, ça va être dur de les encercler, comme disait John.

Le vin naturel va tout faire péter

Comme si le titre honorifique de capitale des Gaules ne lui suffisait pas, Lyon cherche désormais à remporter celui de capitale du vin naturel. En 2010, les Débouchées ouvrent la voie, rejointes en 2014 par la première édition du salon Rue89 version lyonnaise. En 2015, sous l'impulsion de Julien Gangand "la vigne sous la plume", c'est le mois du vin naturel qui voit le jour. Novembre urbain sous le signe de la nature et des picrates sauvages, multipliant les manifestations viniques avec le concours des meilleurs cavistes locaux. Gageons que 2016 sera carrément l'année du vin naturel. Il n'y a aucune de raison de ne se laisser naturaliser qu'un mois dans l'année. Il y a déjà fort à faire en novembre avec le Beaujolais nouveau! Celui que l'on aime, évidemment. Nature, sans banane ni cassis. Et que l'on pouvait déjà goûter à foison en avant-première lors de cette deuxième édition du salon Rue89 Lyon, chez les vignerons régionaux de l'étape.

Mais, Rue89, ce n'est pas qu'un espace dégustation, c'est aussi un laboratoire d'idées. Là où il y a des hauts, il y a débat. Sans être pour autant chez Polac. Droit de réponse bienvenu, car tout le monde n'est pas d'accord, mais la construction plutôt que la contradiction stérile systématique. Lancé de manière très ouverte par Antonin Iommi-Amunategui, auteur du Manifeste pour le vin naturel, et animé par Michel Tolmer (venu vanter les vertus de la dégustation de combat en compagnie de Mimi, Fifi et Glouglou), Jérémie Couston (critique ciné à Télérama, qui a joliment démontré que le vin naturel, ce n'est pas du cinéma, mais quand même un petit peu) et moi-même (toujours dans les bons coups dès qu'il y en a un à boire). Public intéressé, de plus en plus vigneron au fil de l'heure, et débat qui s'est déplacé dans la salle quand il s'est agi de certification éventuelle du vin naturel, sans que l'on aboutisse (heureusement?) à un consensus. Si ce n'est que Allez Goûtons 2015 de Dominique Derain dessoiffe sévèrement bien les orateurs au gosier sec.

Après avoir frôlé la tendinite de la langue, on enchaîne illico la séance de signature, au risque de se faire dans la foulée un dédicace-elbow. La présence de Michel Tolmer est apaisante pour ses collègues auteurs. Dédicaceur de combat, finalement, cela lui sied bien. Tout le temps pour moi d'admirer son coup de crayon, même si les Tronches ont finalement eu un beau succès d'estime.

Au rayon vins, il y en avait quelques-uns à goûter, forcément. Allez goûtons, pour commencer. 2015. L'aligoté comme on aime, un vin nouveau à peine trouble et perlant, qui glisse tout seul dans le gosier. Signé Dominique Derain, qui connaît quelques déboires du côté de Gevrey-Chambertin, où on lui a rentré dans l'are, amputant sa parcelle d'En Vosne de plus de la moitié. Un petit bout de vignes conduit en biodynamie depuis 20 ans et qui va se retrouver converti prochainement au chimique. Triste!

Coup de jeune humoristique pour les étiquettes d'Aline Hock, bien encadrée par ses compères de Latour de France, Frédéric Rivaton et Patrice Delthil, du domaine Calimas. Exit les grosses fleurs colorées. Voici Le bon, la brute et le carignan, comme son nom l'indique, ainsi que l'épatant et namurien C'est à siroter près de chez vous, d'influence poelvordienne.

Le frère de terroir rhônalpin, c'est Thomas Finot, échappé du Grésivaudan pour venir porter la bonne parole des cépages autochtones de chez lui, verdesse, persan, et autre étraire de la Dhui. Des cépages d'Isère qui, sans la pugnacité d'une poignée de vignerons diserts, auraient pu être oubliés, si c'est pas misère...

À la droite de Grégory Leclerc, prodigieux chahuteur fraîchement tondu à la libération de sa femme, pourtant notoirement connue de tout temps comme une femme libérée autour de laquelle on boit des canons, Victor fait le Beau. Inebriati est le nom de son domaine, créé en 2011 avec Hervé Guillard. Un fermage sur les parcelles du domaine Beauthorey de son père Christophe Beau, qui passe désormais une grande partie de son temps au Chili, laissant à des personnes de confiance le soin de s'occuper de ses vignes et de ses raisins.

Orea, Drya, Naïa, un blanc et deux rouges, trois vins brillants! Et puis beaucoup d'autres, de l'Alsace à la Loire, en passant par la Champagne, la Corse et même Bordeaux, avec les pomerols d'Olivier Techer, les sauternes d'Alain Déjean et les blayes de François Décombe, qui faisait la Haie d'honneur.

Et enfin, dans le vortex lyonnais de Rue89, on y croise même des blogueurs stéphanois, ici en très bonne compagnie féminine. Il y a de la joie, dans le tourbillon de vie du vin naturel...

Oh! je voudrais tant que tu te souviennes des jours heureux, d'avant ce sinistre 13 novembre, le jour où une bande de fanatiques décérébrés (pléonasme) ont inauguré le mois de la kalach à Paris, venant plomber sévèrement l'ambiance de liesse naturelle qui régnait jusque-là. Bien armé, il s'avère finalement assez facile de chasser l'oiseau de nuit parisien. Et aucun risque de se prendre un coup de pelle...