Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les belles histoires de l'Oncle Olif - Page 2

  • Du cacao dans mon Spiegelau...

    "- Dis, Oncle Olif, il est tout froid, mon cacao!

    - Il n'est pas froid, Toto. Et ce n'est pas du Banania. C'est du vin...! Du bon vin de Maury, le plus fidèle compagnon du chocolat"

     

    Photo 317.jpg

    Noël. La saison du Père, de la neige, du sapin... et du chocolat. Plein de chocolat! Dans la bûche, sous le sapin, dans les cadeaux. Dans la famille des empyreumatiques, celles des arômes grillés et torréfiés, je demande Quetzalcoalt. Quetzalcoalt, kézako? Juste un Dieu précolombien amateur de Nesquik. A Noël, c'est la guerre des étoiles du berger. L'empyreumatique contre-attaque. Manquerait plus que la revanche du jet d'ail. De l'ail point, dans les arômes chocolatés du vin, mais des molécules d'aldéhydes à fonction carbonyle comme l'acétylpyrrole. Y'a pire comme rôle! Des molécules dont l'apparition est favorisée par la chauffe plus ou moins forte des douelles lors de la fabrication du fût, mais que l'on retrouve aussi préférentiellement dans certains cépages, plus particulièrement le grenache. Ah! les notes cacaotées des grands grenaches, de Châteauneuf ou du Roussillon...! Lorsque celles-ci se mêlent à la rondeur de l'alcool des vins mutés, à la douceur du sucre résiduel et à la séduction de notes kirschées, la perfection de l'accord avec un gâteau au chocolat de noble origine n'est pas loin. Avec Banyuls ou Maury, y'a bon Banania! Cette bouteille de Maury du Mas Karolina en est la preuve vivante, même si elle a mouru à grands coups de boutoir dans la Forêt Noire. L'amour à mort à Maury!

     

     

    IMGP8571.JPG

     

    Assez curieusement, on va retrouver également des notes cacaotées, plutôt du genre praline, sur des vins blancs, notamment jurassiens (sur un savagnin en mode oxydatif, élevé sous voile, en association avec des notes rancio de fruits secs, par exemple), mais aussi champenois (souvent sur un blanc de noirs).

    Avec l'âge, les vieux vins de Bourgogne issus de Pinot noir chocolatent aussi, mais n'en ont pas l'apanage. On en trouve aussi dans les vins de Bordeaux, du Languedoc ou de Bandol. Merlot, syrah, mourvèdre aiment le chocolat, sur leurs vieux jours.

    De nouveaux accords vins et chocolat sont régulièrement proposés, de manière plus ou moins heureuse, par les amateurs du genre. Edouard Hirsinger, le plus grand chocolatier arboisien du Cosmos, d'après un esthète helvète fort en slurp, est l'une des plus grandes têtes chercheuses en la matière, réussissant à allier à la perfection Vin jaune et ganaches au poivre ou au curry, ou encore Vin de paille et ganache aux fruits de la Passion.

     

    - Merci, Oncle Olif, je vais pouvoir aller me coucher plus intelligent qu'hier.

    - Bonne nuit, petit garnement, et fais de beaux rêves! Pom popopo pom pom...



    Oncle Olif

     

     

    Bibliographie: Les arômes du vin de Michel Moisseef et Pierre Casamayor, Editions Hachette

     

    P.S.: billet écrit pour Fureur des Vivres en décembre 2009


     

     

    Olif

  • Du cacao dans mon Spiegelau...

    "- Dis, Oncle Olif, il est tout froid, mon cacao!

    - Il n'est pas froid, Toto. Et ce n'est pas du Banania. C'est du vin...! Du bon vin de Maury, le plus fidèle compagnon du chocolat"

     

    Photo 317.jpg

    Noël. La saison du Père, de la neige, du sapin... et du chocolat. Plein de chocolat! Dans la bûche, sous le sapin, dans les cadeaux. Dans la famille des empyreumatiques, je demande Quetzalcoalt. Quetzalcoalt, kézako? Juste un Dieu précolombien amateur de Nesquik. A Noël, c'est la guerre des étoiles du berger. L'empyreumatique contre-attaque. Manquerait plus que la revanche du jet d'ail.

     

    ...

     

    La suite, c'est sur Fureur des vivres.

     

    Oncle Olif

  • Arrêt sur la bécasse et la bécassine

    La Bécasse des bois (Scolopax rusticola) est un oiseau migrateur ventru emmanché d'un long bec, d'où son nom, que l'on retrouve volontiers sur la table des gastronomes amateurs de gibier à plumes lorsque la chasse est ouverte. On évitera de la confondre avec sa cousine des villes, qui porte parfois aussi un truc en plumes lorsqu'elle agite son postérieur dans les cabarets parisiens, et que l'on retrouve aussi parfois sur la table de vieux libidineux même pas amateurs de bonne chère, affalée au milieu des coupes et des seaux de mauvais Champagne. Dans les deux cas, il vaut mieux la plumer avant de la faire passer à la casserole.


    IMGP8419.JPG
    Biotope bécassier typique.



    Avant de gagner les pays chauds ou finir dans l'assiette, la bécasse gîte dans des sous-bois riches en humus, migrant du Nord, là où elle niche, jusqu'au Sud, selon deux flux principaux. L'un vient des pays scandinaves et passe par l'Ouest du pays, l'autre trouve son origine en Russie pour descendre plus à l'Est. C'est un oiseau discret qui ne s'active qu'au crépuscule pour casser une petite graine dans les bouses de vaches des prairies avoisinantes, son long bec lui permettant de picorer proprement les lombrics qui passent à sa portée. Le reste de la journée, elle le passe en attendant qu'un chien tombe en arrêt devant elle, subjugué par sa beauté. "Ouort-ouort-ouort" fait-elle, en s'envolant alors en zig-zag, tout en larguant une petite fiente. "Pan pan", fait le chasseur aux aguets, avec plus ou moins de bonheur. Miroir*, mon beau miroir, était-elle la plus belle?

    Bécassine (Gallinago gallinago), c'est sa cousine, et elle fréquente plutôt le marais. Pas le IVème arrondissement de Paris, ni les plateaux de télévision dans les années 80, non ! Mais un terrain à découvert, qui ne manque ni de planques, ni de nourriture, ni de réserves d'eau.


    IMGP8451.JPG
    Biotope bécassinier typique.


    La chasse à la bécasse ou à la bécassine est un sport qui ne s'improvise pas. Cela nécessite du matériel. Tout d'abord, un fusil, évidemment. Mais surtout, un toutou. Un bon, un spécial, qui mérite que l'on s'arrête sur lui quelques instants: un chien d'arrêt. Un animal au nom paradoxal, qui bouge sans arrêt tant qu'il n'y est pas, à l'arrêt. Son instinct de chasseur s'inspire de celui du loup, qui s'immobilise un instant avant de fondre sur sa proie. Instinct exacerbé pour que le chien fixe sa proie tant que son chasseur de maître ne l'a pas rejoint. Si l'on en croit l'exposé scientifique du célèbre Pr Burp**, "la vue du gibier produit sur le nerf optique (du chien d'arrêt, NDLA) un stimulus qui, par l'intermédiaire de la zone nord-est du bulbe rachidien, provoque une dépression avec pluies éparses autour des centres érogènes, siège du réflexe endocrinien." Merci, Professeur.


    IMGP8433.JPG



    La recherche du gibier, ou quête, dans le jargon, commence par une série de trajets en forme d'étoile pratiqués à toute berzingue par le chien autour du chasseur. Lorsque le chien perçoit une émanation de gibier, il la capte instantanément, remonte à la source et se met en arrêt, bloquant le gibier au sol par intimidation. Au préalable, il convient de distinguer différentes sortes d'arrêts, pour ne pas tirer sur tout ce qui ne bouge pas, à tort et à travers. Arrêt sur images :


    tout d'abord, l'arrêt interrogatif ou contemplatif,

    IMGP8428.JPG
    "Bon, c'est pas le tout, mais je vais où, moi, là?"


    l'arrêt pipi ou caca:

    IMGP8430.JPG
    "Un minimum d'intimité pendant 2 minutes, ce serait trop demander, non?"



    et l'arrêt sur gibier, au final, le seul véritablement intéressant pour la chasse à la bécasse et/où la bécassine.

    IMGP8447.JPG
    "Bon, il se magne le train, mon maître, parce que, là, j'ai une crampe!"




    Si un bon chien d'arrêt s'avère être une condition indispensable pour débusquer le gibier, il faut que ça assure un minimum au tir en deuxième ligne, sous peine de rentrer bredouille. Exemple pour de vrai:


    IMGP8437.JPG

    arrêt sur bécassine...


    IMGP8438.JPG
    ...le chasseur s'approche...

    IMGP8440.JPG
    ... contourne son chien pour ne pas lui tirer dessus...

    IMGP8442.JPG
    ... cherche le volatile du regard ...

    IMGP8443.JPG
    ... pan pan ... manqué!

    A la décharge du tireur, il s'agissait d'une bécassine sourde (Lymnocryptes minimus), une espèce plus petite, qui ne crie pas à l'envol et qui n'entend pas le chasseur arriver, si ce n'est quand celui-ci lui marche dessus ... et ne s'attend plus à voir un oiseau s'envoler.


    Au final, une journée au grand air qui n'a pas rempli la besace. Aucune bécasse levée, 4 ou 5 bécassines tirées, toutes manquées. Mais les chiens ont bien chassé. Les suivre et les observer se démener fut un réel plaisir. Ultime curiosité, au milieu des bois, les traces d'un passage de sangliers, une espèce spécifique du Haut-Doubs. Les connaisseurs apprécieront!


    IMGP8425.JPG



    Olif




    * Miroir: nom donné à la fiente de la bécasse, laissée après chaque envol.


    ** in "La rubrique-à-brac tome 3", Gotlib, éditions Dargaud

     

     

    P.S.: billet écrit pour Fureur des Vivres en novembre 2009

     

  • Arrêt sur la bécasse et la bécassine

    La Bécasse des bois (Scolopax rusticola) est un oiseau migrateur ventru emmanché d'un long bec, d'où son nom, que l'on retrouve volontiers sur la table des gastronomes amateurs de gibier à plumes lorsque la chasse est ouverte. On évitera de la confondre avec sa cousine des villes, qui porte parfois aussi un truc en plumes lorsqu'elle agite son postérieur dans les cabarets parisiens, et que l'on que l'on retrouve aussi parfois sur la table de vieux libidineux même pas amateurs de bonne chère, affalée au milieu des coupes et des seaux de mauvais Champagne. Dans les deux cas, il vaut mieux la plumer avant de la faire passer à la casserole.

     

    IMGP8419.JPG
    Biotope bécassier typique.

    Avant de finir dans l'assiette, la bécasse gîte dans des sous-bois riches en humus, migrant du Nord, où elle niche, au Sud, selon deux flux principaux, l'un venant des pays scandinaves et passant par l'Ouest du pays, l'autre trouvant son origine en Russie pour descendre plus à l'Est. C'est un oiseau discret qui ne s'active qu'au crépuscule pour casser une petite graine dans les bouses de vaches des prairies avoisinantes, son long bec lui permettant de picorer proprement les lombrics qui passent à sa portée. Le reste de la journée, elle le passe en attendant qu'un chien tombe en arrêt devant elle, subjugué par sa beauté. "Ouort-ouort-ouort" fait-elle, en s'envolant alors en zig-zag, tout en larguant une petite fiente. "Pan-pan", fait le chasseur aux aguets, avec plus ou moins de bonheur. Miroir*, mon beau miroir, était-elle la plus belle?

     

    ...

     

    La suite, c'est sur Fureur des vivres!

     

    Olif

  • Chasse à courre au fond du verre...(1)

    "- Dis, Oncle Olif, il est bizarre, ton vin, il sent le vieux renard!

    - Il n'est pas bizarre, Toto*, c'est même tout à fait normal. Laisse-moi plutôt te raconter la fabuleuse histoire ... de Fox et Rouquin!"

     

    Photo 317.jpg

    L'automne. La saison de la chasse. L'occasion de remonter de la cave des vins rouges cossus, évolués et complexes, aux saveurs parfois animales, pour accompagner la cuisine du gibier. Ce qui se ressemble s'assemble. Le renard est alors souvent de sortie au fond du verre. Traquons-le du naseau, tel un véritable Nemrod, afin de bien choisir son compagnon de table.


    IMGP8412.JPG


    Classiquement, l'arôme de "gibier noble" retrouvé dans le verre est un arôme tertiaire qui apparaît lorsque le vin prend de l'âge et que sa robe commence à brunir par effet de réduction, réaction chimique inverse de l'oxydation. On dit alors souvent que le vin "renarde" ou, si l'on préfère le prononcer le petit doigt en l'air, un monocle à l'œil droit et une tasse de thé à la main, qu'il développe des arômes "foxés". Cette note aromatique animale est apportée par des composés phénols (paracrésol, vinylphénol, indole...) et contribue à la complexité du vin lorsqu'elle n'est pas dominante. Elle est plutôt caractéristique des vieilles syrahs, du mourvèdre et du merlot. Sur des vins jeunes, on la retrouve également dans le carignan (avec son classique et fameux "cassis giboyeux"), mais aussi le ploussard jurassien, cépage très réducteur dans sa jeunesse. Le "renard" précoce, sur un vin jeune, s'apparente souvent à un phénomène de réduction marquée. Il convient alors de l'amadouer par un carafage vigoureux, afin d'oxygéner copieusement le vin. Exagérée et/ou dominante, cette composante foxée peut également correspondre à une contamination du vin par des levures, les brettanomyces, qui favorisent l'émergence de certains phénols. Ces "bretts" se développent dans des milieux non aseptisés, sur des vins souvent peu protégés en SO2, et ne constituent un véritable défaut que lorsqu'ils sont dominants, à l'origine de déviances aromatiques triviales et campagnardes qui ne disparaissent pas à l'aération du vin. A dose modérée, ils ne perturbent généralement que les dégustateurs mondains parfumés au patchouli. Ils donnent naissance à un bouquet subtilement sauvage, accentuant la  complexité aromatique  du vin, en se mêlant aux saveurs fruitées et/ou minérales de celui-ci. Le civet de lièvre adore ça!

    A côté des notes foxées, les vins rouges peuvent également développer un arôme de civette, violemment animal, qui n'est pas sans rappeler la fiente. La civetone, l'indole et le scatol, c'est caca! Sans être scatophile, ces composés chimiques, à l'origine de senteurs musquées, parfois fécales, sont pourtant loin d'être inintéressants, à  petites doses, dans le bouquet d'un vin. Des substances par ailleurs très prisées en parfumerie, à l'odeur entêtante, et qui sont extraites d'une glande située sous la queue de la civette, petit animal africain vaguement cousin du putois. A ne pas confondre avec les effluves de Tante Yvette, musquées également, mais par négligence et défaut de coquetterie. Ces notes de civette sont réputées classiques de l'évolution de certains vieux grands vins de Bourgogne, irremplaçables compagnons des tables de gibier.

     

     

    IMGP8199.JPG

     


    A titre d'exemple, quelques beaux vins de gibier qui ont été testés avec bonheur en ce début d'automne: d'abord, une série de crus de Gevrey-Chambertin 1998 du domaine Trapet (2 grands: Latricières et Chapelle, un premier: Petite Chapelle) sur un sanglier de 7 heures,  et ensuite un Cairanne L'Ebrescade 2004 de Marcel Richaud avec un civet de lièvre. Les autres grands vins de gibier réputés sont à rechercher du côté de Châteauneuf du Pape, Bandol, ou encore Côte-Rotie. Liste non exhaustive, puisque l'on pourra également trouver son bonheur dans un vieil Arbois cépage Trousseau.


    - Merci, Oncle Olif, je vais pouvoir aller me coucher plus intelligent qu'hier.

    - Bonne nuit, petit garnement, et fais de beaux rêves! Pom popopo pom pom...



    Oncle Olif

     

     

    Bibliographie: Les arômes du vin de Michel Moisseef et Pierre Casamayor, Editions Hachette

     

    P.S.: billet écrit pour Fureur des Vivres en novembre 2009


  • Chasse à courre au fond du verre...

    "- Dis, Oncle Olif, il est bizarre, ton vin, il sent le vieux renard!

    - Il n'est pas bizarre, Toto, c'est même tout à fait normal. Laisse-moi plutôt te raconter la fabuleuse histoire ... de Fox et Rouquin!"

     

    Photo 317.jpg

    L'automne. La saison de la chasse. L'occasion de remonter de la cave des vins rouges cossus, évolués et complexes, aux saveurs parfois animales, pour accompagner la cuisine du gibier. Ce qui se ressemble s'assemble. Le renard est alors souvent de sortie au fond du verre. Traquons-le du naseau, tel un véritable Nemrod, afin de bien choisir son compagnon de table.

    ...

     

    La suite, c'est sur Fureur des vivres.

     

    Olif

  • Arômes à la noix!

    "- Dis, Oncle Olif, il est bizarre, ton vin, il sent la noix!

    - Il n'est pas bizarre, Toto*, c'est même tout à fait normal. Laisse-moi plutôt te raconter la fabuleuse histoire ... du Vin jaune!"



    Photo 317.jpg



    Dans la série des Plus belles histoires de l'oncle Olif, aujourd'hui, nous allons tenter de percer le secret d'un des vins les plus mystérieux qui soient, le Vin jaune. Encore trop de personnes, y compris dans le monde des amateurs, ont tendance à croire que ce parfois puissant arôme de noix perçu dans le Vin jaune provient du cépage utilisé pour son élaboration, le Savagnin. Non. Mille fois non. Le Savagnin est un cépage typiquement jurassien, certes, mais qui offre de beaux arômes acidulés d'agrumes et de fruits exotiques, lorsqu'on le vinifie comme un vin blanc standard. C'est à dire en prenant la précaution de remplir régulièrement le tonneau avec du vin de même origine, une opération dénommée ouillage.

    Plus grave encore, d'aucunes mauvaises langues pensent que le Vin jaune est élaboré peu ou brou à partir de noix fraiches. Que nenni! Je m'inscris en faux! Je m'insurge! Je vitupère! Le vin que l'on obtient en faisant macérer des noix fraiches dans du vin et de l'alcool s'appelle du vin de noix. Il n'est pas jaune, il est marron foncé. Il sent effectivement la noix et pas grand chose d'autre. C'est un apéritif sympathique mais ce n'est pas lui qui nous intéresse aujourd'hui.


    - Mais alors, Oncle Olif, si le vin est jaune, qu'est-ce qui donne ce goût de noix à mon verre?

     

    ...

     

    La suite, c'est sur Fureur des vivres!

     

    Olif

  • Arômes à la noix!

    "- Dis, Oncle Olif, il est bizarre, ton vin, il sent la noix!

    - Il n'est pas bizarre, Toto*, c'est même tout à fait normal. Laisse-moi plutôt te raconter la fabuleuse histoire ... du Vin jaune!"



    Photo 317.jpg



    Dans la série des Plus belles histoires de l'oncle Olif, aujourd'hui, nous allons tenter de percer le secret d'un des vins les plus mystérieux qui soient, le Vin jaune. Encore trop de personnes, y compris dans le monde des amateurs, ont tendance à croire que ce parfois puissant arôme de noix perçu dans le Vin jaune provient du cépage utilisé pour son élaboration, le Savagnin. Non. Mille fois non. Le Savagnin est un cépage typiquement jurassien, certes, mais qui offre de beaux arômes acidulés d'agrumes et de fruits exotiques, lorsqu'on le vinifie comme un vin blanc standard. C'est à dire en prenant la précaution de remplir régulièrement le tonneau avec du vin de même origine, une opération dénommée ouillage.

    Plus grave encore, d'aucunes mauvaises langues pensent que le Vin jaune est élaboré peu ou brou à partir de noix fraiches. Que nenni! Je m'inscris en faux! Je m'insurge! Je vitupère! Le vin que l'on obtient en faisant macérer des noix fraiches dans du vin et de l'alcool s'appelle du vin de noix. Il n'est pas jaune, il est marron foncé. Il sent effectivement la noix et pas grand chose d'autre. C'est un apéritif sympathique mais ce n'est pas lui qui nous intéresse aujourd'hui.


    - Mais alors, Oncle Olif, si le vin est jaune, qu'est-ce qui donne ce goût de noix à mon verre?

    - L'éthanal et le sotolon, petit! L'éthanal et le sotolon!


    C'est l'élevage sous voile, également appelé élevage oxydatif, qui va apporter au Vin jaune son lot aromatique de noix et de fruits secs. On approche ainsi une partie du mystère du voile. Pas celui qui recouvre avec grâce la chevelure des Abbesses de Château Chalon, non, mais le voile de levures qui se développe à la surface du vin dans le fût de Savagnin, lorsque l'on oublie volontairement de l'ouiller pendant 6 longues années. A ce propos, petite digression et parenthèse sémantique, le "ou" du mot ouillé n'est pas un "ou" aspiré, comme le "h" du haricot. Quand on dit d'une barrique de vin qu'on l'ouille, on ne la remplit pas de charbon, non! On ne doit donc pas dire qu'on la (h)ouille!  Ouille ouille ouille, car si point tu n'ouilles, poil aux genoux. A cause de l'évaporation, la fameuse "part des anges". Euh..., fin de la digression grammaticale.

    L'apparition de ce voile de levures va entrainer la transformation de l'éthanol en éthanal. Bonjour les arômes de pomme et de noix fraiche! Nouvelle parenthèse et petit paradoxe furieux: la noix peut simultanément être un fruit sec et un fruit frais. Sec et frais! Etonnant, non? Fin de la parenthèse paradoxale et oxymorale. Plus ce taux d'éthanal est élevé, plus le vin développera le fameux "goût de jaune" qui fait fuir autant d'amateurs qu'il n'en attire. Point trop n'en faut, pourtant, de cet arôme volontiers qualifié de "typé Jura"! Sinon, adieu finesse! La complexité d'un Vin jaune, elle arrive lors du vieillissement, au fur et à mesure de l'apparition du sotolon. Une alchimie silencieuse au cours de laquelle ce composé s'épanouit, par transformation chimique d'un acide aminé en présence d'éthanal. Et alors, de subtiles flaveurs de noix mûre et de fruits secs, mais aussi de curry, d'épices orientales, quand ce n'est pas du malt et du houblon, viennent caresser les naseaux du dégustateur. Le sotolon, il saute au long des papilles, au fur et à mesure de l'oxydation ménagée, ce lent et long processus qui aboutit à l'apothéose ictérique, évitant la transformation du vin en vinaigre. C'est heureux et magique. Plus prosaïquement, c'est purement chimique. Il est intéressant de noter que le taux d'éthanal ne varie plus une fois le vin en clavelin, contrairement à celui du sotolon, qui va continuer à se modifier. C'est également l'augmentation du taux de sotolon dans un vin blanc sec non élevé sous voile qui est à l'origine de son vieillissement prématuré et de son oxydation en bouteille**. Ce qui est bon en Jura ne l'est pas forcément au-delà!

     

    - Merci, Oncle Olif, je vais pouvoir aller me coucher plus intelligent qu'hier.

    - Bonne nuit, petit garnement, et fais de beaux rêves! Pom popopo pom pom...


    IMGP8197.JPG



    Oncle Olif

    * Toto est un grand garçon majeur. Depuis pas plus tard qu'hier. De quoi rassurer tout plein les parangons des ligues de vertu.

    ** Lire à se sujet la thèse d'Alexandre Pons de la faculté de Bordeaux


    N.B.: ce billet a été écrit pour Fureur des Vivres en septembre 2009.