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Balade initiatique au cœur de la Côte des Blancs

Date: le 23/04/2005 à 15:39

Orchestrée par Jacky Rigaux, à la demande du CAVE S.A., cette soirée-dégustation d’anthologie a permis de toucher au sublime en proposant de découvrir quelques perles de la Côte des Blancs sur la Côte, à Gland (CH) . En dehors de la Bourgogne même, in situ, il n’y a guère qu’en Suisse que l’on puisse goûter à autant de merveilles en même temps! Par chance, le Jura est situé à égale distance des deux, ce qui permet de basculer aisément d’un côté ou de l’autre selon les opportunités!

Présenté comme un philosophe du terroir par Jacques Perrin, le maître à penser du CAVE, Jacky Rigaux s’est fendu d’un petit speech introductif fort clair et enrichissant, permettant d’appréhender de façon assez simple la complexité de la notion bourguignonne de terroir. Présentation évidemment accommodée à la sauce Olif, ce que j'en ai retenu, en fait!

Au départ était le Néant! Il y eu un jour et il y eu une nuit et Dieu décida de créer la Bourgogne, d’emblée, histoire de ne pas boire de l’eau jusqu’au 7ème jour!

Nooon! COUUUUPEZ...!

En fait, ce n’est pas du tout ça! L’histoire de la Bourgogne, c’est une histoire humaine et géologique, remontant déjà à l’Antiquité, avec des noyaux d’élite autour de Gevrey et Meursault, identifiés comme tels du temps de Romains. L’anticlinal de Gevrey, qui a fait ascensionner le Jurassique moyen et privilégié l‘émergence de sols calcaires, se prolonge par le synclinal de Volnay, assorti de davantage de marnes argileuses recouvrant la couche calcaire. Des terroirs beaucoup plus propices à la production de grands blancs, concentrés dans cette zone au Sud de Beaune avec le Montrachet comme colline idéale, à l'exception de la zone similaire du Charlemagne, sur la montagne de Corton, issue de la jonction du synclinal et de l‘anticlinal, et comportant le même type d‘argile. La variété des terroirs se fait par le jeu des failles et des courants d’air, différenciant ainsi des zones parfois très proches géographiquement. Les bons moines n’ont-ils pas parlé d’emblée de notion de « climat », faisant référence autant à la géologie qu’à la climatologie?

Si ce qui fait en partie le charme de la Bourgogne est d’abord constitué par son Histoire et ses Terroirs, il ne faut pas perdre de vue que ce qui est essentiel pour l’amateur pressé et hédoniste (non, ce n’est pas une tare!), à savoir le contenu du verre, l‘est aussi pour l‘amateur de Bourgogne. Rien ne vaut alors de passer aux travaux pratiques avec quelques échantillons prestigieux de ce qui peut être produit sur ces grandes terres à blanc!

Dégustation non à l’aveugle, par paires en principe comparables, sauf deux vins qui ont été servis isolément.

Meursault Les Tessons, Clos de Monplaisir 2002, Domaine Roulot
Robe jaune pâle. Nez très pur, finement grillé et toasté, où perce la minéralité à l’agitation. Un côté grillé qui évoque un peu le style des vins de Coche-Dury, le « mercaptan de bois » comme j’ai pu entendre, ou plus exactement l’autolyse des levures, une certaine forme de réduction s‘harmonisant à l‘aération, plus qu’un boisage excessif (seulement 15 à 18% de bois neuf sur ce vin). L’attaque est franche, vive, possédant une jolie tension minérale. Un petit joyau, véritable modèle de précision et de netteté aromatique.

Meursault Bouchères 1er cru 2002, Domaine Roulot
Avec les Bouchères, on rentre dans le « bon ventre de la pente », ce milieu de coteau qui va être à l’origine des plus belles parcelles, d’abord en 1er Cru puis en Grand Cru. La robe est également jaune pâle, mais un peu plus soutenue que celle du vin précédent, légèrement dorée. Le nez est très mûr, sur les agrumes, le citron. La bouche est ample et déjà grasse, avec une structure large non dénuée de vivacité, terminant sur une acidité citronnée qui apporte la longueur. Vinification identique au précédent, hormis un pourcentage de bois neuf s’élevant jusqu’à 30%, et une structure radicalement différente, que l’on peut juger plus complexe et profonde que celle des Tessons, mais pas plus belle! Un exercice au cours duquel la notion de terroir devient palpable, et en plus les vins sont bons!

Meursault Perrières 1er Cru 2000, Comtes Lafon
Le plus prestigieux des 1ers Crus de Meursault, celui qui aurait pu (ou dû?) être classé en Grand Cru, par un des plus grands domaines de l’appellation.
La robe dore légèrement. Le nez est retenu, frais et minéral. La bouche est d’une grande pureté, minérale, ample et progressive, allant crescendo, presque cristalline. La longueur est exceptionnelle. Un vin magnifique à un stade encore embryonnaire.

Meursault Genevrières 1er Cru 2002, Domaine Bouchard Père et Fils
Un autre 1er Cru vedette, dans un beau millésime. Nez très mûr, sur les agrumes, les fruits exotiques, un peu anisé. La bouche est ample et grasse, opulente, minérale et citronnée en finale, avec de la fermeté. Dans une phase primaire accessible, ce très beau vin diffère totalement des Perrières dans son expressivité, même en intégrant la différence de millésime et de producteur.

Meursault Les Narvaux 1999, Domaine d‘Auvenay
Retour sur un « village » , mais lequel! Un des quatre ou cinq capables de rivaliser en terme de vieillissement avec un 1er Cru, et par un domaine d’anthologie, de surcroît! Le nez envoûte, riche, gras et frais en même temps, archétypique du canon murisaltien, qui associe, d’après Jacky Rigaux, gras et minéralité. La bouche est d’une précision exemplaire, avec un toucher délicat, en dentelle, mais d’une grande densité. On le sent qui résiste, qui ne se livre pas encore complètement, mais la longueur est déjà phénoménale. Un vin qui ne fera que s’épanouir dans le verre, d’un niveau exceptionnel!

Puligny-Montrachet 1er Cru Le Cailleret 1998, Domaine de Montille
La robe est jaune pâle, le nez citronné, un peu sur le zeste. Pur et cristallin, vif et tendu, sur le fil, la finale s’élargit un peu sans trop s’écarter de la ligne. Un vin d’une grande beauté épurée! Prolongement naturel du Montrachet, Le Cailleret a l’avantage de se révéler plus vite que son illustre voisin.

Puligny-Montrachet 1er Cru Les Demoiselles 1998, Michel Colin-Deléger
La robe est très dorée. Le nez reste frais, mais présente un côté oxydatif net, miellé, avec des arômes de vieille cire. Il était pourtant plutôt réductif à l’ouverture, justifiant un carafage long de plus de 5 heures. La bouche est grasse, visqueuse et veloutée, puis termine sur des amers prononcés, dans une sensation un peu alcooleuse.Un bon vin, d'un style différent, mais un cran en dessous du précédent.

Chassagne-Montrachet 1er Cru En Rémilly 1997, Michel Colin-Deléger
Un premier cru situé dans le prolongement du Montrachet, avec le même sous-sol, mais dans l’amorce de la combe, donc pas soumis aux mêmes conditions climatiques. Le nez est très riche, un peu miellé, dans un registre superposable au Puligny précédent du même domaine. La structure manque d’un peu d’amplitude et de longueur et le vin paraît moins abouti que tous ceux goûtés préalablement.

Chassagne-Montrachet 1er Cru Rémilly 1997, Verget
La robe est jaune soutenu et le nez épanoui, alliant des arômes de cake aux zestes d’agrumes et de miel. La bouche est large et ample, longue et persistante, possédant une très belle acidité pour le millésime. Un beau vin à maturité!

Corton Charlemagne 1999, Domaine Leroy
L’intrus de la soirée, puisque un peu à l’écart de la Côte des Blancs. Nez très pur, sur la réserve, avec une petite pointe de minéralité empyreumatique, à peine teintée d’hydrocarbure. On est loin d’un Riesling mais pour Jacky Rigaux, cette petite touche terpénique est la marque du terroir du Charlemagne. En bouche, on nage dans l’opulence, mais une opulence non démonstrative, avec une profondeur et une densité exceptionnelles qui n’ont d’égales dans le superlatif que la longueur. Beaucoup de viscosité, et une acidité magnifique, pour un équilibre qui frôle la perfection. Un des sommets de la soirée, assurément, même s’il reste encore deux vins à venir, et pas des moindres!

Bâtard-Montrachet 2002, Michel Niellon
Nez puissant, presque un peu démonstratif, sur les fruits blancs caramélisés. La bouche est riche et enrobée, un peu flan au caramel, avec une touche miellée. Un petit côté oxydatif indéniable, mais une minéralité marquée et une belle acidité persistante. Un vin riche et puissant!

Montrachet  2000, Comtes Lafon
Nez très pur, encore sur le fruit, pêche de vigne (?) et fruits blancs. En bouche, une grande droiture minérale et une acidité prédominante, qui induisent une longueur et une persistance exceptionnelles, se perdant dans de beaux amers finaux. A un stade embryonnaire, il promet énormément, pour qui aura la chance de tremper ses lèvres dans ce nectar dans une dizaine d’années, quand ce terroir majuscule, aux caractéristiques idéales, à mi-pente, exposé plein Est, se révélera dans le vin.

Pour Jacky Rigaux, le terroir, c’est une philosophie, un choix de vie! Il y a des soirs comme cela, où on l’on a envie de se prendre pour un grand philosophe!
Une dégustation dont on ressort en tout cas ébahi et heureux, pour avoir touché à l‘indicible! Avec la même extase que celle de l’alpiniste qui contemple la vallée depuis le sommet.

Olif, escaladeur de grands sommets bourguignons!




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