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Les voyageurs du Mésozoïque

Jeudi 8 février 2007, 20 heures. Besançon, quartier Battant, sous une pluie battante. Une succession d'individus pousse la porte du Vin et l'Assiette, une sympathique cave-restaurant où l'on peut boire et manger, tout est dans l'intitulé. Mot de passe?

- Comment est votre blanquette?

Non, pas celui-là!

- Euh! je viens pour la dégustation de Jura.
- Descendez les escaliers, c'est en bas!

Bingo!

Les autres membres de la société secrète sont déjà attablés dans le caveau, prêts à affronter un fameux voyage dans le temps, jusqu'au fin fond du Jurassique. Je salue le Grand Maître de cérémonie, qui fait les présentations. Mais foin des chichis, tout le monde retire sa cagoule et se tape sur l'épaule. Ma foi! Ce grand gaillard, ne serait-ce pas le Jardinier de Saint-Vincent? Et cet autre, un vigneron arboisien faucheur de Grands Vergers? Mais chuuut! Le Old Trip of Jura va commencer! Les bouteilles ont revêtu leur habit de cosmonaute, prêtes pour le décollage. Direction, le passé antérieur. Toute l'assemblée retient son souffle, sauf Véro, qui, impassible, prépare au grille-pain des petites tartines de lard italien à engloutir à genoux en s'autoflagellant.

La soirée peut commencer, juste après une petite mise en bouche apéritive, destinée à arroser un certain Wine Blog Trophy.

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Fait-la-bouche

0/ Crémant 1996 extra-brut Stéphane Tissot (zéro dosage): nez vineux, mi fruits blancs, mi brioché. L'attaque possède beaucoup de mordant et de vigueur, le rendant idéal à l'apéritif. Petite sécheresse finale, mais un bel équilibre extra-brut.

Rouges

Jura_annif_jero_026 1/ Arbois Poulsard 1990, Maurice Chassot: robe évoluée, nez un peu fermé, néanmoins fin et délicat à l'aération, développant des notes de fleurs fanées et de cacao. Bouche encore tonique, droite, agréable, possédant une certaine jeunesse. Une jolie bouteille!

2/ Arbois Trousseau 1986, Jean-Marie Dole: robe très évoluée, trouble, mais le sommelier ne m'aJura_annif_jero_028 pas gâté, me faisant cadeau de la dernière partie de la bouteille. Le premier nez est encore plein de fruits, avec un côté végétal racinaire, poivré, un peu animal, qui évolue rapidement sur des notes iodées. La complexité est là, mais pas des plus agréables! La bouche est ronde en attaque, car le vin semble encore posséder beaucoup d'alcool, puis se décharne assez vite, de façon un peu déplaisante. Le fond de verre voit revenir le fruit, soutenu par une note benzène, amande amère. Un vin dépassé.

Jura_annif_jero_029 3/ Arbois Trousseau Bérangers 1983, Jacques Puffeney: belle robe rubis encore soutenue, brillante. Le premier nez est tout simplement superbe, avec plein de petits fruits rouges, puis du tabac blond pas encore fumé (on est dans un lieu public!). La bouche est pleine, croquante, gourmande, avec ce qu'il faut de longueur et de finesse. Un vin magnifique et abouti, d'une jeunesse remarquable. The Puf is the best!

3 bis/ Arbois trousseau 1999 Michel Gahier (Grands Vergers ?): pas initialement inscrit au programme, juste pour rincer le verre! Très marqué réglisse, gourmand et croquant. Excellent!

Blancs


Jura_annif_jero_030 4/ Côtes du Jura chardonnay 1990 Les Chamoz, Frédéric Lornet: robe dorée, trouble et évoluée. Nez tertiaire, empyreumatique, avec un joli grillé. La bouche est ronde et droite. Ronde d'abord, droite ensuite! Du peps et de la longueur, sur une finale légèrement oxydative. Sympatique clin d'oeil à la Percée du Vin Jaune qui vient de se dérouler à Salins, avec un véritable vestige de son vignoble actuellement réduit à peau de chagrin. Un vin qui n'a pas dit son dernier mot, hautement buvable, sur lequel je n'aurais pourtant pas misé un kopek non à l'aveugle.

5/ Arbois chardonnay St Paul 1979, Camille Loye: le nez est très éthanal, fruits secs, puis miel,Jura_annif_jero_031 puissant, alcooleux, un peu lourd pour tout dire. Un éléphant dans un jeu de quilles JeuJura! Finale déséquilibrée sur l'acidité. Une grosse déception une fois la bouteille découverte, mais les avis sont néanmoins partagés. Un vin qui ne se présente pas sous son meilleur jour et que je ne demande qu'à regoûter!

Jura_annif_jero_032 6/ Côtes du Jura chardonnay 1979 Cellier des Chartreux de Vaucluse, François Pignier: nez ouvert et très fin, légèrement grillé, sur le moka, empyreumatique. Bouche encore tendue mais fondue, élégante, possédant beaucoup de finesse. Il ne fait qu'enfoncer un peu plus le précédent, qu'on aurait attendu à un niveau similaire.

7/ Côtes du Jura savagnin 1982, Emile Bourguignon: Nez sur la noix et les épices, assezJura_annif_jero_034 archétypique d'un Savagnin oxydatif (encore que!). Acidité mordante en attaque, puis un certain équilibre mais une fin de bouche à ressort, qui part un peu dans tous les sens. Un vin ébouriffant, qui a encore de la tenue, à condition qu'on ne lui lâche pas trop la bride.

Jura_annif_jero_035 8/ Côtes du Jura savagnin 1964, Vichot-Girod: la robe tire sur le jaune-brun, mais le vin n'est paradoxalement pas oxydé. Nez miellé, confit, sur le pain d'épices, la cannelle, l'essence de pin. La bouche est ronde et douce en attaque, interminable, toute en finesse. Un petit bonheur gracile à savourer du bout des lèvres.

Jaunes

9/ Château Chalon 1983, Jean Marie Courbet: le nez est fin, presque trop! La bouche est fluide,Jura_annif_jero_038 désaltérante, presque trop! Un vin intrinsèquement pas mauvais, mais trop discret et manquant de personnalité. Le temps l'emporte petit à petit vers un oubli éternel!

Jura_annif_jero_040 10/ Côtes du Jura 1979, Château D’Arlay: magnifique robe dorée, qui attire l'oeil, avec de légers reflets orangés. La bouche est stricte, bien portée sur l'acidité, avec un certain degré de minéralité, évoluant sur de jolies notes de praline et d'épices douces. Pourquoi donc cette légère déception, qui fait que le vin n'est pas à la hauteur de l'attente que laissait supposer la robe? Manque de plénitude, très certainement, de fondu, d'harmonie. Mais bon, les Jaunes d'Arlay sont à attendre très longtemps!

11/ Château Chalon 1969, Vichot-Girod: robe dorée, légèrement brunie. Nez peinant à s'ouvrir,Jura_annif_jero_041 bouche marquée par une forte acidité, par parfaitement équilibrée en finale, salivante, mais un peu trop. Un vin manquant d'harmonie, mais qui supporte plutôt bien pour l'instant le poids des ans.

Jura_annif_jero_043 12/ Château Chalon 1962, Noirandre: un clavelin final de derrière les fagots, un nom inconnu, probablement un négociant de Baume-Les-Messieurs, et un vin d'une jeunesse presque insolente, à l'acidité vigoureuse parfaitement équilibrée, sur la finesse et l'élégance.

12 bis/ Arbois 1999 Michel Gahier: on aurait pu rester sur la précédente, mais celle-ci s'est invitée à la dernière minute. Tout jeune, il se laisse pourtant boire avec délectation. Un futur grand vieux Vin Jaune!

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Moralité: les vins du Jura savent vieillir, les Jaunes, on le savait, c'était moins évident pour les Blancs et les Rouges! Il est désormais temps de regagner le présent mais ce voyage dans la Préhistoire jurassienne valait le détour. Merci de tout coeur au Grand Organisateur!

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Pardon à Franquin pour avoir détourné le titre d'une aventure de Spirou! Je suis sûr qu'il ne m'en voudra pas!

Olif

Commentaires

  • Mais qui était donc le Marsupilami parmi les dégustateurs?
    Du Franquin arrosé au savagnin, j'adhère!

  • Je suis un peu embarrassée mais... pour ceux qui connait peu (ou pas de tout) les vins du Jura, est-ce qù'il y avait des vins sucré? Est-ce que vous avez diné en même temps? Et est-ce qu'il y avait des mariages particulièrement heureux entre plat et vin?

    Merci Olif!

  • Belle degustation !! J'ai eu le plaisir de voir S.Planche chez Jeunet le lendemain soir et il semblait un tantinet fatigué par ce "retour vers le futur".
    Par contre ça lui à donné le courage de m'ouvrir un rouge Arbois Trousseau (honte sur moi mais j'ai oublié de qui il venais) de 1987 qui était encore très heureux, pour un semi-neophytes en vin du jura, ce fut une belle découverte de voir que certains rouge passent les 20 ans sans encombre (eux).
    J'ai donc profiter des test de la veille et ne m'en plaint pas du tout.

  • Le Marsu? Oups! Le vin jaune avec des petits points noirs et qui chatouillait la gorge, est-ce que c'était lui?
    Lisa, aucun vin sucré, ce soir-là! Que du sec! La dégustation s'est déroulée à table, chacun ayant amené de quoi se sustenter, tout en s'accordant potentiellement avec les vins du Jura (charcuterie locale, comté, Richelieu à la saucisse de Morteau et au Comté, exquis foie gras préparé par Tophe, tarte aux noix (le sucre n'a pas réalisé un bel accord avec les jaunes, en fait!), ...).
    Stéphane, fatigué le lendemain? Je me demande bien pourquoi! :-)
    Merci Tophe, de ces précisions et commentaires!

  • Je suis toujours "épastrouillé" par tant de connaissances. Franquin aura du mal à être contrarié, vu l'endroit où il repose et l'état où il doit se trouver. A bientôt à St Jean de Monts.
    Amitiés,
    Scribouillard

  • Merci Olif pour ce superbe compte-rendu…

    J’aime déguster des vieux vins notamment pour le petit côté loterie de l’exercice avec quelques déceptions inévitables dès qu’on plonge un peu dans les années, et aussi quelques belles surprises… Ce côté « est-ce que ça va encore être bon » ajoute un grain de sel supplémentaire. Je pense que la dégustation a tenu ses promesses en ce qui concerne les rouges et les blancs, en revanche les jaunes m’ont globalement un peu déçu.

    Pour apporter mon caillou à l’édifice, voici quelques notes du lendemain, prises sur des fonds de bouteille que je ne pouvais décemment pas jeter à l’évier…

    Côtes du Jura Les Chamoz 90 :

    Au nez, le côté torréfié de la veille a complètement disparu. C’est un autre vin, au nez plus fin, des notes de noisette, presques florales. On sent quand même le vin vieux. Nez très agréable.
    En bouche l’attaque est sympathique, et puis… quasiment plus rien. Le vin a perdu son ampleur et on passe rapidement à la fin de bouche, toujours caractérisée par cette acidité déjà notée la veille et une assez bonne longueur.

    Côtes du Jura Pignier 79 :

    Nez discret, fin, notes fruitées et discrètement oxydatives. En bouche, joli volume, très bien équilibré, tout est là, il est à point. Une discrète et élégante pointe de grillé en fin de bouche, avec une trace d’amertume. Long. Etonnement jeune. Très beau vin.

    Trousseau Bérangers 83 Puffeney :

    Eh non,je ne l’ai pas regoûté, car on avait tout bu… mais j’aurais bien aimé lui faire subir la visite de contrôle, rien que pour le plaisir… Que c’est bon le trousseau quand ça a été vinifié pour vieillir harmonieusement ! Sur le podium avec Pignier 79 et le savagnin 64.

    Château Chalon 69 Vichot Girod :

    Ampleur moyenne, beaux arômes, assez long, marqué par l’acidité. Me plait mieux que la veille, mais pas de quoi écrire une thèse.

    Château Chalon Noirandre 62 :

    Fluet, pas grand-chose en bouche.( Pour info Olif, le mystérieux M. Noirandre devait bien cultiver ses vignes et faire son vin lui-même bien que sis à Baume les Messieurs, puisque sur l’étiquette il s’intitule « vigneron-propriétaire ».

    Côtes du Jura savagnin 64 Vichot Girod :

    La robe d’un vieux marc, mais le nez rappelle plutôt un vin de paille : épices douces, fruits confits, écorces d’orange, cire d’abeille, une pointe de minéralité. Très beau nez, il trahit un vin vieux, mais évoque en même temps une seconde jeunesse, un peu hors du temps. La bouche est sur les fruits secs, miellée, il y a aussi la mine de crayon qu’on trouve parfois dans les vins de paille. La jeunesse de ce vin est époustouflante, et la journée d’ouverture ne l’a pas fatigué d’un poil. C’est rond, c’est harmonieusement fondu, c’est caressant et long… Il en restait un tout petit verre, que je savoure longuement en faisant durer le plus possible, prenant des gorgées de plus en plus petite. Le lendemain et le surlendemain, le verre vide délivre encore un nez incroyablement concentré de fruits secs et confits. Une bouteille magnifique et émouvante, merci à Laurent pour ce cadeau « de conscrit ».

  • On a fait, avec des amis, quelques vouyages au Mesozoïque de la Rioja, par exemple, et normalement les déceptions sont plus nombreux que les moments de joie. Mais, mes amis, quand tu trouve un momentod et l'on s'apperçoit qu'n vin de 30 ans est encore "jeune", quel merveille!!!
    Très belle descriptions de votre turisme prehistorique (et j'aime Franquin et cette bande dessinée qui appartient à ma memoire il-y-a puls de 30 ans: ajjj, moi, je commence à appartenir au Mesozoïque!).
    Joan

  • j'ai fait en fin d'année dernière une dégustation vins-fromages avec le patron du Vin et l'Assiette. J'ai beaucoup aimé son approche du vin, sa façon d'en parler, ses expériences, ce Monsieur est passionnant. Tout comme toi d'ailleurs !
    Avec mon mari, nous nous sommes promis d'aller prochainement dans ce restaurant, peut-être pourrons-nous t'y croiser ???

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