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  • De la transhumance des huîtres...

    Date: le 12/12/2002 à 13:26

    Chaque année, phénomène immuable, lorsque les feuilles commencent à se ramasser à la pelle, ce coquillage pierreux empoigne son bâton de pèlerin et quitte son parc ostréicole, fuyant la traditionnelle marée noire de Noël, pour gagner les blancs pâturages de la montagne et s'épanouir en liberté, petit caillou sur le chemin.

    Son long périple est pourtant semé d'embûches et notre brave coquillage va devoir affronter une foule de dangers ; son pire ennemi est un prédateur redoutable : l'homme des montagnes, en carence iodée perpétuelle, qui a découvert, après des siècles passés à se lester l'estomac, que l'intérieur du caillou était mou et plus facile à digérer lorsqu'il était ingurgité seul.
    Un peu désemparées par le froid, on retrouve nos amies les huîtres en bande, souvent devant les vitrines du poissonnier, lorsqu'elles ont cru reconnaître un ancien ami poisson qui leur rappelle alors cruellement leur pays natal. C'est là qu'on peut les cueillir facilement à la main, par douzaines, ayant seulement à faire face à la vindicte de notre Ordralfabétix montagnard, fort heureusement non gavé de potion magique.

    C'est au moment précis où elles ouvrent le bec pour appeler au secours qu'il faut leur briser net la mâchoire, d'un coup sec, pour s'en régaler en s'abreuvant de vin blanc.

    A ce stade du récit, le lecteur de LPV se demande certainement si je n'ai pas pété un câble ! Il n'a pas entièrement tort! Alors, après ce préambule naturaliste et poétique, rentrons enfin dans le vif du sujet.

    C'était hier soir la traditionnelle soirée huîtres de l'association des amis du Bon Echanson. Soirée très conviviale, plutôt festive, où nous avons l'habitude de tester les meilleurs vins blancs destinés à accompagner ce mets simple, mais royal pour de pauvres jurassiens sevrés d'embruns.

    La séance de l'ouverture est un grand moment réservé aux gens armés d'un bon couteau et sachant s'en servir. Les huîtres sélectionnées chaque année sont des spéciales n°3 de chez Gillardeau, célèbre ostréiculteur de Charente, le top de l'huître ! Le salaire de l'ouvreur, en plus de quelques chapeaux d'huîtres prélevés par ci par là , c'est un petit verre de vin, en l'occurrence un Château Haut-Bertinerie 1999, petit Graves blanc frais et fruité, vif et gouleyant, bien sympathique.

    Passons enfin aux choses sérieuses :

    - Montagny 1er cru 2000, Château de la Saule : une appellation fort méconnue et un vin à  la robe très claire, vif, minéral, parfait sur les huîtres.

    - Riesling Bennwihr 2000, Jean-Michel Deiss : une erreur de casting ! C'est un très beau riesling mais la présence de sucres résiduels le place hors-sujet sur les huîtres!

    - Ménetou-Salon Morogues 2000, H. Pellé : un sauvignon archétypique qui se plaît bien également avec les coquillages. Bonne vivacité.

    - Saumur 2000, domaine Langlois-Château : assemblage 80% chenin, 20% chardonnay. Nez discret de pomme, un modèle de structure minérale, un vin long et très sec. Mérite de vieillir et n'est pas trop à sa place sur les huîtres du fait de son caractère excessivement sec, à la limite de la dureté.

    - Clos Floridène 1998 : un nez typé de sauvignon, très pipi de chat, déroute les dégustateurs ! Inhabituel pour un Graves, je trouve. Mais ce nez s'estompe rapidement pour s'ouvrir sur les agrumes. La structure en bouche est belle, onctueuse, longue. Le boisé est à peine perceptible. Mérite de vieillir un peu pour s'harmoniser et perdre ses notes variétales de sauvignon. A mon avis, la plus belle bouteille de la soirée. J'ai un faible pour les vins de Graves sur les huîtres, à la condition que ces dernières soient plutôt charnues et pas trop iodées.

    - Château Bouscassé 1998, Pacherenc sec : un vin un peu austère, acide, peut-être passé. M'a très peu inspiré hier soir !

    - Auxey-Duresses 1999, Comte Armand : ah ! ça sent bon la Bourgogne et le chardonnay ! Des notes beurrées en attaque (pas de polémique, s'il vous plaît !), peut-être trop pour un Auxey car elles masquent la minéralité du terroir, étant vraisemblablement apportées uniquement par l'élevage. Un vin controversé même si très flatteur et plutôt agréable. Ce côté un peu beurré convient bien à ces huîtres spéciales qui développent elles-mêmes des arômes de noisette (on y revient toujours, au beurre et à la noisette !)

    - Château Reynon 2000, Cadillac : une gâterie pour terminer et accompagner le dessert. Un beau liquoreux vinifié par Denis Dubourdieu , extrêmement agréable, restant très frais en bouche.

    Voilà , fin de la soirée ! Les plus courageux se sont octroyés un petit digestif, j'ai préféré faire l'impasse ! Cela ne m'a visiblement pas empêché de délirer un peu ce matin!

    Ostréicolement vôtre,

    Olif

    lapassionduvin.com

  • Jura : des terroirs multiples pour un goût unique ?

    Date: le 15/12/2002 à 11:13

    La question de la typicité jurassienne me taraude depuis quelque temps : typicité de terroir ou typicité de goût ?

    Je l'ai déjà souvent évoquée au fil de mes messages, à travers les dégustations que j'ai effectuées mais j'ai voulu « enquêter » de façon plus approfondie dans le but de tenter de répondre aux questions que je me pose, et, éventuellement de vous faire profiter de quelques éléments de réponse.

    Y'a-t'il un ou plusieurs terroirs jurassiens ?
    Y'a-t'il une unicité du goût en Jura ?


    Les relativement récentes cuvées parcellaires ouillées de S. Tissot, A. Labet, et d'autres encore, tendent à prouver qu'on peut sortir du sempiternel goût de jaune, fer de lance de la culture viticole jurassienne. Mon propos n'est pas de parler de ce produit phare du Jura, mais force est de constater que bon nombre de cuvées de blancs élaborées sur un mode oxydatif aboutissent à une uniformisation du goût, qui plaît tant aux autochtones mais qui rebute un peu l'amateur non initié, même si cela peut constituer une bonne introduction au monde du vin jaune.

    Pour illustrer mon propos, après un petit rappel géologique bienvenu, y compris pour moi, je me suis amusé à voir si l'on peut dégager quelques caractéristiques liées au terroir à travers un échantillonnage (non représentatif !) de chardonnays issus de différents terroirs jurassiens.


    Petit rappel géologique :

    Le vignoble jurassien est planté sur une bande qui court de Salins les Bains à Saint Amour (pas celui du Beaujolais !), englobant une surface de 1700 ha sur environ 80 km de long.
    De Saint Amour, au sud du Jura, à Lons le Saunier, les vignes occupent le bas des pentes du Revermont, avec une exposition générale ouest, parfois sud ou sud-ouest. Le terrain est constitué d'éboulis calcaires mêlés à des argiles du Lias, formant d'excellentes terres à vignes, pierreuses et chaudes, facilitant la maturité du raisin, qui peut devancer d'une dizaine de jours celle du nord du département. De nombreux petits villages vignerons, en appellation Côtes du Jura, constituent le vignoble ; Rotalier est peut-être le plus connu, c'est la patrie d'Alain Labet.

    Vers Lons, le vignoble s'élargit, l'orientation est extrêmement variée. Le sol est composé de marnes bleues, grises ou noires du Lias. Ce sont des terres riches, profondes et fraîches qui donnent les vins de l'appellation L'Etoile et ceux d'Arlay, en Côtes du Jura.

    Plus au nord, , de Voiteur à Poligny, le vignoble est planté sur des argiles du Lias donnant naissance aux vins de Château Chalon. Les blancs sont toujours en appellation Côtes du Jura.

    De Poligny à Arbois, les coteaux sont constitués de marnes irisées, argileuses et compactes . Des bancs calcaires ou des éboulis pierreux s'y mêlent, sur Arbois, Pupillin ou Montigny, pour fournir les meilleures terres à vigne du Jura, exposées sud.

    Le chardonnay et le pinot noir se plaisent à peu près partout. Le ploussard exige des marnes bleues et rouges, le trousseau donne son meilleur sur les sols filtrants, calcaires (ceux de Montigny, par exemple), le savagnin se régale sur les marnes bleues, de Château Chalon entre autres.

    Voilà , ces quelques notions de base peuvent permettre de comprendre les différentes appellations jurassiennes et la répartition des cépages. On devrait donc pouvoir mettre en évidence des différences gustatives entre les vins provenant des différents terroirs. Ce sera l'objet de la deuxième partie de mon exposé, à venir, peut-être avant Noël si j'en ai le temps.

    Références bibliographiques : « Vins, vignes et vignobles du Jura », éditions Cêtre.


    Les travaux pratiques
    Date: le 10/01/2003 à 11:54

    Pour essayer d'illustrer mon propos, j'ai sélectionné, de façon totalement aléatoire, 6 vins de chardonnay provenant de 6 régions distinctes géologiquement (1 côtes du Jura du Sud Revermont d'A. Labet, 1 vin de l'Etoile, 1 côtes du Jura du secteur de Château Chalon, 1 côtes du Jura de la région de Poligny, 1 Arbois Pupillin, 1 Arbois), ceci afin de voir s'il est possible de déterminer des caractéristiques différentes suivant le terroir. Cette « étude » se veut juste un instantané totalement subjectif et je revendique cette subjectivité.

    - Côtes du Jura 98, domaine Morel-Thibaut, Poligny :

    Robe jaune pâle, nez discrètement oxydatif sur l'écale de noix. La bouche est bien équilibrée avec une pointe de gras en finale. Le côté oxydatif ne ressort que très légèrement et ne masque pas les qualités intrinsèques du vin, très peu minéral, issu en théorie d'un terroir marneux.

    - Arbois Pupillin 98, Paul Benoit :

    Robe jaune pâle. Nez floral, aucune note oxydative. Je ressens une plus grande minéralité en bouche que sur le vin précédent. Bonne nervosité et finale sur des notes légèrement briochées. Un beau chardonnay, subtilement équilibré.

    - L'étoile 99, château de Persanges :

    La robe varie peu par rapport aux précédents. Le nez est sur la réserve à l'ouverture, avec quelques notes d'herbes coupées, puis évolue franchement sur la noix à l'aération. un vin assez sec en bouche, à la limite de l'austérité, qui termine sur des notes oxydatives assez marquées. Difficile de percevoir la part du terroir dans ce vin que l'on pourra par contre trouver très typé Jura.

    - Côtes du Jura 97, Caveau des Byards, Le Vernois (secteur Château Chalon) :

    Le nez est frais, légèrement acidulé, sur des notes de cake au citron. La bouche est vive, agréable et bien équilibrée. Aucune trace d'oxydation dans ce vin dont le terroir laisse bien s'exprimer le cépage, à mon avis, car il me semble correspondre à ce qu'on peut attendre d'un vin de chardonnay.

    - Arbois 98 élevé en fût de chêne, fruitière vinicole de Pupillin :

    Nez légèrement floral et citronné. Une bonne structure acide confère de la longueur au vin. L'élevage en fût n'est pas trop perçu, harmonieusement fondu, et fait que ce vin tout à fait honnête privilégie l'expression du cépage à travers le terroir.

    - Côtes du Jura 99, Alain Labet, Rotalier :

    Une cuvée standard du vigneron « star » du Sud Revermont et un élevage oxydatif qui saute au nez. à‡a sent la noix fraîche à une lieue à la ronde mais pour un palais jurassien, ce n'est pas forcément désagréable. La structure de ce vin me semble tout à fait apte à « digérer » cette élevage qui ne permet par contre en aucun cas d'identifier le cépage ou le terroir.

    Voilà pour la partie gustative ! Ce qui, bien évidemment, ne me permet de tirer aucune conclusion, si ce n'est que les vins élevés dans le respect du cépage sont des vins de chardonnay plus universels que les autres, plus marqués par un régionalisme qui recherche l'association avec la cuisine franc-comtoise et plus particulièrement celle avec du Comté. Difficiles à exporter, donc, et plutôt destinés à une consommation locale, autochtone ou touristique.

    Deuxième remarque qui me vient après cette dégustation, échelonnée sur plusieurs semaines, c'est le niveau tout à fait correct et homogène de ces vins qui restent dans une gamme de prix inférieure à 7 euros.

    Une véritable définition des terroirs se fera probablement d'elle-même, au fil du temps, lorsque l'élaboration de ces cuvées ouillées se généralisera.

    Olif

  • La Colombe de la vigne au verre...

        6/2/2002

    ... ou comment petit chasselas de Féchy deviendra grand.

    Dans le cadre de la semaine du goût helvétique, journées portes ouvertes au domaine La Colombe à Féchy dans le canton de Vaud. Portes ouvertes, ce n'est pas difficile car le soleil plombe sur les rives du Léman en ce samedi 2 juin 2002.

    A peine arrivé au domaine, je suis embarqué dans un charter en direction du "Petit Clos" pour une présentation du sol et du sous-sol.
    Là -bas nous attend Raymond Paccot pour un petit cours de géologie appliquée. L'homme est chaleureux, passionné, et son exposé très clair et intéressant (il paraît que c'est un ancien instituteur!). Un trou d'1m50 de profondeur en bordure de quelques pieds de vigne nous fait office de travaux pratiques: comment peut-on amener la vigne à laisser s'exprimer le terroir?
    Le retour à une culture raisonnée, étape indispensable avant de passer en biodynamie, comprendre le sous-sol, permet de mieux gérer la qualité du raisin, donc celle du vin. Quelque soit la nature du terrain (graves, argile, calcaire,...), une constante semble se dégager: le drainage naturel du sous-sol qui permet à la vigne de toujours trouver de l'eau en profondeur, juste ce qu'il faut, même et surtout si elle doit souffrir pour s'en procurer, va favoriser l'éclosion des beaux terroirs.
    Si Raymond Paccot procède ainsi dans son domaine, il s'investit aussi au niveau cantonal dans des études de terrain pour établir une véritable cartographie des meilleurs terroirs vaudois.

    Vu des coteaux, le Léman luit sous le soleil, au pied des sommets alpins encore enneigés. Il commence à  faire soif!

    Ca tombe bien, passage au caveau pour une dégustation du millésime 2001. Un chasselas La Colombe, véritable vin de soif, frais et gouleyant, fait office de rafraichissement et de mise en bouche.
    Suivent:
    - le Petit Clos dont nous avons pu apprécier le terroir, à la robe très claire, presque limpide, au nez très floral, vif, avec un léger perlant.
    - En Bayel, au nez plus complexe, très minéral, au goût de pierre à fusil marqué, un vin issu d'un très beau terroir et récompensé il y a peu par la coupe suisse du meilleur chasselas (ça ne s'invente pas!). Et c'était le 1er vin vaudois à recevoir cette distinction!
    -Le Brez, encore sur la réserve, avec une belle minéralité, à  attendre pour qu'il s'exprime.
    - un pinot noir sur le fruit, avec des notes un peu caramélisées et réglissées, déjà  très agréable.

    Les cuvées de réserve ne sont pas encore disponibles, même si j'avais pu en avoir un aperçu à Arvinis en avril dernier (j'ai donc publié mes notes de dégustation sur le millésime 2001 bien avant Parker et la Rvf!).

    Petit jeu avant le départ: un concours de dégustation portant sur 5 millésimes du Petit Clos, à déterminer à l'aveugle sur les 10 dernières années. Reçu 3/5, presqu'un exploit pour un novice en chasselas! Je suis plutôt fier de moi et on m'offre une bouteille du dernier millésime! A noter dans la dégustation, un Petit Clos 92, à la robe ambrée et au nez superbe de pomme. Je ne savais pas que le chasselas pouvait vieillir autant et aussi bien!

    Nous sommes donc loin ici des "infâmes chasselas de Féchy" dont on parlait à une certaine époque. Violaine et Raymond Paccot sont un couple de vignerons fort sympatiques et La Colombe un fort beau domaine vaudois.

    Olif, envoyé spécial en territoire vaudois.

  • A6 sortie Beaune Sud

    Date: le 19/11/2002 à 12:01

    Première partie: Thierry Matrot, l'épure murisaltienne

    Une sortie d'autoroute à  ne pas manquer car elle vous mène tout droit du côté de Meursault et de Pommard.

    C'est par une belle journée ensoleillée que j'ai été convié par mon ami caviste du Bon Echanson à rendre visite à 2 de ses fournisseurs en côte de Beaune, à savoir le domaine Matrot à Meursault et le domaine du Comte Armand à Pommard.
    Voyage à 2 voitures pour des raisons d'horaires de départ incompatibles ; toujours à l'heure, comme à mon habitude, j'arrive à 11h pétantes (au lieu de 10h30) chez Thierry Matrot, juste pour être accueilli le verre à la main et descendre à la cave, dans un dédale de fûts et de bouteilles.
    Mise en bouche sympathique avec un Saint-Romain 2001 que Thierry expérimente à partir de l'achat de raisins en vue d'une diversification de la production. Visiblement, les situations ne sont jamais simples en Bourgogne. Th. Matrot n'est en fait que le gérant des vignes du domaine Joseph Matrot. Suite à une querelle familiale dans laquelle quelqu'un a récupéré ses billes, Thierry cherche à devenir plus indépendant et à vinifier sous son nom, ce qui l'oblige à diversifier sa production du fait de son statut de négociant. La conversation est animée, Thierry est un vigneron comme je les aime, franc et sympathique. En quelques mots, il vous dresse le portrait d'un vin et la correspondance avec son terroir. La vigne, la terre et le terroir seront d'ailleurs des termes qui reviendront souvent car c'est ce qu'il cherche avant tout à exprimer, comme tout bon vigneron qui se respecte (« Va d'abord dans les vignes pour comprendre avant de ramener ta science à la cuverie » lui a dit en substance son père alors qu'il rentrait au domaine, frais émoulu du lycée de Beaune).

    Pendant que nous conversions, nous nous humections la bouche avec quelques petites choses que je vous livre pêle-mêle, de mémoire :

    - d'abord ce Saint-Romain blanc, nerveux et très agréable

    - puis un Auxey-Duresses blanc 2001, vif, tendu, minéral

    - Meursault 2001 : très jeune, bien sûr, mais déjà  très expressif, d'une grande pureté

    - Meursault 99 : un peu plus de gras et de complexité, un grand millésime

    - Meursault-Blagny 2001 et 98 : un premier cru fétiche du domaine car produit en relativement grande quantité qui permet un suivi précis de l'évolution des vins (de très vieux millésimes sont ouverts dans les repas de famille). Le 2001 exprime parfaitement la minéralité du terroir et le 98 m'impressionne beaucoup par sa profondeur et son gras qui se révèle.

    - Blagny la pièce sous le bois 2001 : un rouge que j'aime beaucoup (superbe 95 actuellement), à la robe framboisée, étincelante ; en bouche, le vin est dense, long, les tanins sont fins et serrés. Une vraie gourmandise à boire sur son fruit mais un bon potentiel de vieillissement.

    - Volnay Santenots 2001 : la robe et le nez sont plus profonds, des notes un peu terreuses, évoquant le cuir de Russie. Un vin ample, de grande garde.

    Il est 12 heures 30, le temps a passé vite, il est temps de quitter Thierry Matrot, un fort sympathique et excellent vigneron murisaltien, dont les vins sont sincères et proches du terroir.
    Nous filons en direction de Beaune pour une petite collation aux Caves Madeleine, un Wine Bar au cadre et à l'accueil soignés. Juste un verre de Meursault de Louis Chavy pour accompagner le repas, le premier verre avalé de la journée ! Je revis !

    Deuxième partie : Domaine du Comte Armand, au coeur de l'aristocratie bourguignonne

    Aussitôt le repas ingurgité, nous repartons en direction de Pommard chez le Comte Armand où nous attend Benjamin Leroux, le régisseur du domaine, et nous descendons illico à la cave pour une belle dégustation au milieu des fûts. Très jeune, Benjamin semble avoir déjà beaucoup d'expérience. Cela fait 4 ans maintenant qu'il a repris en main les vins du domaine suite au départ de Pascal Marchand pour le domaine de la Vougeraie, les vins de prestige de chez Boisset.

    Nous commençons la dégustation par quelques blancs et notamment un Saint-Romain et un Auxey-Duresses, qui semblent donc être les nouveaux terrains d'investigation des vignerons bourguignons lassés de ne produire que des Pommard ou des Meursault smiling smiley ,et surtout à la recherche d'une gamme de bons vins à prix intéressants. Il peut s'agir ici d'un achat de raisins sur pied, avec suivi complet de la vigne, ou encore de vignes en fermage, permettant là encore le contrôle total de la production, de l'entretien du terrain à la vinification, condition sine qua non car le domaine est en biodynamie.
    Ici encore, on parlera beaucoup terroir, travail à  la vigne, maîtrise des rendements.

    - Bourgogne blanc 2001 : simple mais impeccable pour se refaire le palais

    - Saint-Romain 2001 : vif, minéral, de l'allonge

    - Auxey-Duresses blanc 2001 : encore un vin minéral, tendu, exprimant de façon assez caractéristique son terroir (ce n'est pas moi qui le dit !)

    - Auxey-Duresses rouge 2001 : fruité, droit, de la longueur

    - Auxey-Duresses 1er cru rouge 2001 : on gagne en complexité. Un vin plutôt strict mais au fruité magnifique, charnu, avec une belle mâche en finale. Superbe !

    - Volnay 2001 : un vin de vinificateur d'après Benjamin, car nécessitant quelques artifices pour compenser les imperfections de la nature (mauvaises conditions de récolte, je crois). Il restera encore quelque temps en fût et nécessitera un collage.

    - Pommard 2001 Le clos des Epeneaux : le 1er cru maison, en monopole, une parcelle située entre les grands et les petits Epenots. Les raisins sont vinifiés séparément suivant l'âge des vignes. Nous commençons par goûter les jeunes vignes (20 ans d'âge) , récoltées en influence lunaire « fruit » ; le vin est effectivement très fruité, déjà flatteur. Ces fûts ne seront très certainement pas intégrés à l'assemblage final et commercialisés en appellation village (les années précédentes, vendus au négoce). Les vignes de 30 ans montrent plus de concentration ; la prise de bois est magnifique, laissant s'exprimer le fruit, les tanins sont fins et serrés. Les vignes de 40-50 ans, récoltées en influence « racine » nous font encore monter d'un cran et gagner en concentration, avec un côté très pur, et les vignes de 70 ans expriment un fruité intense et complexe, magistralement soutenu par le bois. L'apothéose, c'est l'assemblage à la pipette (du nom d'une fameuse revue vendéenne smiling smiley ) des 3 dernières cuvées dégustées, donnant une petite idée de ce que sera le probable Clos des Epeneaux 2001 : l'alchimie du vin ! une impression difficile à décrire ! chaque fût pris séparément aurait donné un très bon vin mais l'assemblage des 3 produit un vin étonnamment différent (quoique très proche), plus complexe, plus grand, et donne un sentiment de plénitude, d'accomplissement, non ressenti auparavant. C'est magique et c'est très bon ! une véritable naissance sous nos yeux et dans nos verres !

    Benjamin est visiblement fier de sa production en 2001 ; c'est un vin qui exprime pour lui le terroir des Epeneaux de façon magistrale mais qui sera peut-être plus difficile d'accès que le monumental 99 ou le médiatique 2000. Toutes les conditions sont réunies pour que 2002 soit également très grand. Pour conclure la dégustation, nous testons une version spéciale du Clos des Epeneaux 2000, vinifiée avec adjonction de CO2, et qui donne un vin très confituré avec une pointe de gaz (on se croirait chez le Dom !) et un Volnay Frémiets 2000, très pur et concentré.

    Un moment passionnant vient de se terminer et nous quittons Benjamin à  regret.

    Le soleil automnal brille toujours sur les vignes bourguignonnes et c'est l'heure de se diriger vers l'A6 entrée Beaune Sud et de faire le chemin inverse, sortie Poligny dans le vignoble jurassien, puis direction Pontarlier. De nouvelles visites en Bourgogne sont déjà au programme de l'année prochaine. Vivement !

    Olif