Domaine Chantal Lescure: Nuits sous son meilleur jour!
Que voilà un beau domaine de Côtes de Nuits, dont on ne parle pas suffisamment et qui mérite d'être vivement recommandé, car depuis que François Chavériat est aux commandes, le domaine Chantal Lescure ne cesse de progresser en direction des sommets. De la plus simple cuvée de Bourgogne au Clos de Vougeot, seul grand cru du domaine, tous les vins sont parfaitement définis, bien en place, une cohérence remarquable de toute la gamme.
A bas les millésimes! Une variable de fort peu d'importance dans la qualité d'un vin, finalement, lorsque l'on a su, grâce à une viticulture exigeante, favoriser l'enracinement profond des vignes et rendre à nouveau vivants des sols que l'on a conduits au bord de l'asphyxie dans les années 80. Car, alors, la plante a de la ressource et sait s'adapter aux conditions extérieures. Le millésime 2007, déjà enterré avant d'être né, en est la preuve, puisqu'au domaine Lescure, on a fait bon, et même très bon, et bien, voire même très bien, alors que les conditions météorologiques optimales étaient loin d'être réunies. Ou comment récolter les fruits d'un labeur journalier dans les vignes. Leçon de terroir, leçon de vie, leçon de vin, 2007 vu par François Chavériat, c'est un peu tout cela à la fois. Une philosophie et une exigence de qualité qui forcent le respect, d'autant que cette vérité-là se retrouve aussi dans le verre.
Les échantillons ont été prélevés sur fût la veille. Pour la plupart, ils n'ont pas effectué leur fermentation malo-lactique. Après une dégustation apéritive de 6 vins du domaine Chavy-Chouet, en compagnie de Romaric Chavy, dégustation sur laquelle je reviendrai ultérieurement, on attaque par 3 blancs du domaine Lescure avant de goûter les rouges.
- Côte de Beaune blanc la Grande Châtelaine: bouche stricte, acidulée, encore serrée, un style minéral et tendu qui me plait plutôt bien.
- Côte de Beaune blanc, Clos des Topes Bizot: des jeunes vignes de 5 ans, mais le vin possède déjà du gras et de la rondeur. Très fruit en attaque (mirabelle, pêche), il termine sur une belle acidité fraiche.
- Nuits-Saint-Georges blanc Les Creux Fraiches Eaux: nez un peu caramel, avec une petite pointe oxydative qui devrait s'estomper progressivement. La bouche est stricte, dense et serrée.
- Bourgogne rouge "Les taupes Maison Dieu": un Pinot Noir aux tanins fermes, serrés, mais au grain fin, avec un fruit qui revient bien en finale.
- Côte de Beaune Clos des Topes Bizot: joli nez sur les petits fruits rouges. Bouche charnue, aux tanins croquants et à la belle fraicheur acidulée.
- Beaune 1er Cru Les Chouacheux: nez particulièrement complexe et intéressant, sur les épices, la cannelle et la mine de crayon. La bouche n'est pas encore en place, avec des tanins durs, compacts, présentant une amertume finale.
- Volnay Les Famines: nez kirsché, sur l'amande amère, très Pinot, finalement. Tanins fins et serrés, veloutés, avec une belle acidité.
- Pommard Les Vignots: ce coteau plein sud produit généralement des vins au caractère plus solaire que les autres, raison pour laquelle seule cette parcelle du domaine n'est pas effeuillée.
- Pommard Les Vaumuriens: vendange classiquement égrappée, son premier nez est refermé, peu expressif, mais délivre un beau fruit à l'aération.
- Pommard les Chanlins: en vendange entière, mais c'est un test. Le nez est plus ouvert, fruité, mais la bouche présente un caractère végétal plus marqué, avec des tanins croquants et végétaux.
- Pommard 1er cru Les Bertins: deux déclinaisons, sur deux lots différents. Les Jeunes Vignes présentent un nez de cassis, du gras en bouche, une pointe de gaz aussi (malo en cours), et surtout une sensation de sucrosité. Les Vieilles Vignes possèdent des tanins plus veloutés, avec une acidité fraiche après une petite pointe oxydative fugace, fréquente à ce stade sur les vins du domaine. Meilleur équilibre sur les Vieilles Vignes, qui, d'une manière générale, murissent mieux et plus lentement que les Jeunes.
- Nuits-Saint-Georges Cuvée ronde: assemblage de plusieurs climats en appellation village, sur un sous-sol argileux. Cette cuvée est très ronde en bouche, comme son nom l'indique, avec des tanins sphériques mais une longueur moyenne. Un vin de plaisir assez immédiat.
- Nuits-Saint-Georges les Damodes: en deux services, l'un plutôt végétal, avec des tanins asséchants, l'autre bien enrobé et arrondi, avec un joli fruité réglissé au nez. La différence? Même climat, même vendange, même vinification. Ben quoi, alors? Le premier des deux vins provient de la récolte d'une parcelle récupérée dernièrement, qui n'est en bio que depuis une année, et dont les racines n'ont pas encore eu le temps d'aller chercher en profondeur leur substantifique moelle minérale. Moralité: vivent les vignes bien travaillées pendant longtemps! A long terme, d'après François Chavériat, ces Damodes finiront quand même par se rejoindre dans la même expression du climat.
- Nuits-Saint-Georges 1er Cru Les Vallerots: un superbe terroir méconnu, plutôt froid, qui produit des vins racés et élégants. Droit, minéral, avec de la longueur et de la fraicheur acidulée, le 2007 a tout pour plaire. Une révélation!
- Chambolle-Musigny Les Mombies: un peu acidulé et pas complètement en place, il ne se goûte pas très bien ce jour-là. A revoir.
- Vosne-Romanée 1er Cru Les Suchots: un régal, presque! Une pointe de réglisse, des tanins pleins, fins, veloutés et enrobés. Un très beau vin.
- Clos de Vougeot: imposant, sérieux, avec une matière dense, un Grand Cru, quoi! Mais peut-être pas le plus facile à goûter à ce stade, surtout derrière Les Suchots.
Des vins extrêmement prometteurs, pourtant pas évidents à goûter (malo non faite), et dans un millésime réputé difficile, voilà qui devrait faire réfléchir bien du monde! Surtout que pour mieux appréhender tout le travail accompli, la dégustation s'est achevée par un petit tour des 2006 (magnifiques!) à la cave et au fût. Des vins à un stade plus avancé, qui laissent encore mieux augurer du potentiel de 2007. Surtout que les vins du domaine Lescure, même s'ils se dégustent bien dans leur jeunesse, sont des vins qui demandent du temps pour révéler tout leur potentiel. Un style somme toute plutôt classique, pour exprimer la quintessence de la Bourgogne. Classique, mais flamboyant! Et sans épate!
L'ultime leçon fut culinaire: les Bourguignons en connaissent un rayon en matière de cuisine du boeuf en cocotte avec une sauce au vin rouge. Pas étonnant qu'on ait décidé de l'appeler "bourguignon", ce boeuf-là!
Olif
P.S.: Le Châ a fait son miaou sur le forum des dégustateurs. On lira avec grand intérêt sa prose au sujet de cette même dégustation.