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Mes Nuits sont plus Chambolle que vos jours !

 

Date: le 17/01/2004 à 09:58

Sous ce titre un peu tiré par les cheveux, se cache ce que pourrait dire un vigneron réputé de Nuits-Saint-Georges à  un autre, tout aussi réputé, de Chambolle-Musigny.

Mais n'anticipons pas !

La météo bourguignonne nous devait bien une revanche ! La dernière fois, nous avions quitté le soleil radieux du Haut-Doubs pour le brouillard murisaltien, cette fois-ci, nous avons bravé la tempête de neige pontissalienne pour arriver sous une éclaircie ensoleillée à Chambolle.

Quel joli village que Chambolle-Musigny ! Un village de poupée enserré dans les vignes avec de petites rues et des maisons qui semblent petites, mais que les vins sont grands !
Pourtant peu étendu, le vignoble, qui comporte 2 Grands Crus et 24 Premiers Crus, affiche une personnalité différente selon qu'on se situe au nord ou au sud du village. Vérification immédiate et preuve à l'appui lors d'une visite chez l'un des plus prestigieux domaines de l'appellation.

Et Vogüe le Chambolle ! (je ne l'aurais pas déjà  faite, celle-là  ? :) )

Accueillis par Monsieur Millet, régisseur du domaine du Comte Georges de Vogüé, nous descendons sans perdre de temps les marches qui conduisent à  la cave.
Les barriques soigneusement empilées recèlent une partie de la quintessence bourguignonne. La totalité de la production 2002 du domaine se trouve ici, ce qui semble finalement très peu quand on sait qu'il en faut pour le monde entier.
Méticuleusement et consciencieusement, notre hôte fait sauter les bondes en bois de certains fûts. On rechigne ici à  utiliser des bondes en silicone, plus pratiques et maniables, sauf lorsqu'il s'agit de rouler les fûts, leur préférant les classiques bondes en bois recouvertes de toile de jute qu'il faut changer toutes les semaines pour cause d'hygiène.
Relativement peu disert et renfermé, l'oeil de Monsieur Millet s'allume à  notre contact, de passionnés, évidemment !- et sa langue s'agite lorsqu'il s'agit de goûter, puis de commenter et de décrypter ses vins.
Nous allons goûter la gamme des 2002 au fût, la mise ne devant se faire que dans les semaines à  venir, de préférence en fonction de la lune, mais nous ne nous appesantirons pas sur le sujet !

- Chambolle-Musigny 2002 : un vin composé à  partir de vignes en appellation village auxquelles s'ajoutent des jeunes vignes de parcelles en premier cru, voire en grand cru, destinées à  optimiser l'équilibre. On la bichonne, cette cuvée d'entrée de gamme qui constitue la meilleure des introductions aux vins du domaine. Diablement séducteur à  ce stade, il s'exprime sur les petits fruits rouges (en gelée pour Mr Millet), témoignant de la belle maturité des raisins. Pas de notes confiturées car la minéralité vient la contre balancer de fort belle façon, nette et précise. D'une manière schématique, le millésime 2002 est la résultante d'une micro sécheresse sans chaleur, ce qui a favorisé une maturité optimale des raisins tout en préservant leur acidité. Un équilibre naturel quasi-parfait donc un grand millésime !

- Chambolle-Musigny 1er cru Les Amoureuses 2002 : le nez s'ouvre sur une pointe de grillé que j'attribuais à  des notes boisées mais qui correspondent, pour Mr Millet, aux arômes caractéristiques du terroir des Amoureuses. Seulement 25% de fût neuf et surtout du poivre, de la cannelle, du pain d'épices, qui viennent souligner la grande minéralité de ce vin. Les autres notes caractéristiques de ce cru, la grenade et la rose, ne nous semblent pas évidentes. La finesse, l'élégance et la race s'imposent par contre très nettement. Un très grand vin !

- Bonnes Mares 2002 : Changement radical de mode d'expression ! On passe au nord de Chambolle avec un vin plus proche des grands crus de Morey, encore que ce Bonnes Mares, issu d'une parcelle sud-est, soit plus censé jouer une partition intermédiaire. La robe est légèrement violacée. La myrtille s'impose au nez parmi les autres fruits noirs. Une touche florale de violette (et pivoine ?) vient s'y ajouter. L'attaque est franche, le grain des tanins peut-être un peu moins fin que sur les Amoureuses, mais pourtant très racé et élégant. Du grand art !

- Musigny 2002 : LE Musigny ! Le cru qui fait rêver, presque autant que la Conti ! Enfin y tremper ses lèvres ! Si les Amoureuses sont souvent considérées comme un «petit» Musigny, on pourrait également penser que le Musigny est une «grande» Amoureuse ! On retrouve les mêmes arômes s'exprimant avec plus de densité et de concentration. Epices, grenade et rose, sur une grande trame minérale. Un monument de finesse et d'équilibre. De quoi rester sans voix !

Ou alors la retrouver juste un petit peu pour remercier et saluer Mr Millet de la bonne heure qu'il nous a consacrée. Et de nous encourager à  revenir goûter les 2003 l'année prochaine ! Mais pas de problème, c'est enregistré !

Un petit tour par Ma Cuisine

Cap au Sud, à  Beaune, pour une petite halte restauratrice, non sans avoir fait un crochet au coeur du village de Vosne pour arpenter le muret d'une certaine Conti !
La capitale des vins de Bourgogne est plutôt calme en cette mi-janvier, mais nous avons pu trouver une table et des chaises dans Ma Cuisine ! C'est le nom du restaurant, situé place Carnot ! Une carte des vins à  faire pâlir bien des cavistes ! ça tombe bien, ils le sont aussi cavistes, à  la Cave Sainte-Hélène qui jouxte le restaurant. Bourgogne, évidemment, avec tous les domaines en vue (sauf le Comte de Vogüé, tiens !), mais aussi tous les grands du Rhône, de Bordeaux, de la Loire et du Languedoc. Impressionnant ! Et surtout à  prix plus que raisonnable sur table, juste un tout petit coeff. 2 !

Vérification immédiate et preuve à  l'appui, pour accompagner le repas :

- Meursault 98 Comtes Lafon : à  peine réduit de prime, il s'ouvre, du fait d'un carafage bienvenu, sur des notes de foin coupé, de pain légèrement grillé, de cire d'abeille. L'attaque est nette est franche, la bouche bien soutenue et harmonieuse. Très beau !

- Pommard Pézerolles 97 Domaine de Montille : un millésime très ouvert pour un Pommard qui présente de jolies notes tertiaires qui commencent à  se développer, mais qui ne masquent pas la trame minérale. Un beau vin pour hédoniste !

Après une petite flânerie dans les rues quasi désertes de Beaune, remontée vers le Nord, direction la Côte de Nuits !


Le domaine Henri Gouges, au pays des mille et un Nuits !

Pas tant que ça en fait ! J'exagère un tout petit peu mais je ne sais pas résister à  la tentation de faire un bon mot, aussi vaseux soit-il!
Accueillis par Christian Gouges, nous descendons dans les caves après une petite présentation du vignoble de Nuits-Saint-Georges.
Comme à  Chambolle, le vignoble est scindé en deux parties. Au nord du village, on produit des vins fins et élégants qui se rapprochent de ceux de Vosne Romanée, dont ils constituent le prolongement naturel. Au sud de la vallée du Meuzin, qui travers la ville de Nuits, les vins sont plus puissants, plus austères, demandant du temps pour se fondre.

Ce très beau domaine familial, dont les caves sont situées dans l'ancienne gendarmerie de Nuits, en est à  la troisième génération de vignerons, la quatrième étant actuellement en formation. Le grand-père Gouges, à  l'origine de la création du domaine, fut un visionnaire novateur en son temps, au début des années 30 et il a joué un rôle déterminant dans la modernisation du vignoble bourguignon.
Décidé à  se lancer dans le vin, il cherche à  acquérir une parcelle propre à  une époque où les Bourguignons se détournaient un peu de leurs vins, jugés trop capiteux (parce que volontiers coupés avec d'autres vins plus puissants pour les structurer) et peu rentables économiquement.
Le Crédit Agricole lui fait alors quasiment cadeau d'une vigne de 3 ha au lieu-dit Les Porrets. Il fut l'un des premiers à  vouloir mettre son vin en bouteille au domaine, garantissant ainsi son authenticité, et ne plus le confier au négoce qui se livrait à  des pratiques soit disant amélioratrices comme celle citée plus haut.
Un riche Suisse (pléonasme ?) ayant goûté sa production souhaita la lui acheter en totalité. Après s'être fait longuement prier (il aurait voulu conserver pour lui sa première récolte !) et devant l'insistance de ce client, il consentit à  lui vendre, le prix de départ ayant été multiplié par 10 au passage.
Le grand-père Gouges put donc rembourser sa dette en une année et se lancer dans la grande aventure les coudées franches.
L'esprit avisé, il entreprit avec succès le marché américain, s'offrant même une page entière de publicité dans le New York Times (nous étions en 1930 !). 90% de son vin partait alors à  l'export !
Lors du classement des terroirs, toujours dans les années 30, aucune parcelle de Nuits ne fut classée en Grand Cru (les Saint-Georges l'auraient certainement mérité, peut-être les Vaucrains). Les Nuitons n'étaient pas des gens suffisamment riches et aisés pour boire des Grands Crus ! Fiers de leurs vins mais conscients de leur statut ! Le grand-père Gouges n'aurait pas été sans influence sur cette décision !

Fin de la parenthèse historique ! Retour au présent avec le petit-fils, un vigneron sincère et nature comme je les aime, qui m'a rappelé Francis Poirel des Quarts de Chaume, de par sa conception du vin la moins interventionniste possible. Et pourtant, les gros mots sont lâchés !- point de biodynamie (trop cartésien pour cela !), ni même de bio tout court (des essais sont néanmoins en cours). De la lutte raisonnée et une volonté de laisser s'exprimer le raisin et le terroir !

Ses vins sont à  son image, solides et généreux ! Même si, contrairement à  lui, ils nécessitent du temps pour s'exprimer.
Les vins sont dégustés au fût, la mise ne devant intervenir que dans les deux mois à  venir.

- Nuits-Saint-Georges 1er Cru Clos des Porrets 2002 : un nez que je trouve tendre, joliment fruité. La bouche est pourtant un peu massive, les tanins sont imposants mais pas sévères. Grande longueur.

- Nuits-Saint-Georges 1er Cru Les Pruliers 2002 : un vin encore plus imposant que le précédent, avec beaucoup de mâche en finale, rappelant la prunelle, à  l'origine du nom de ce climat. Petite touche métallique également caractéristique d'après Christian Gouges.

- Nuits-Saint-Georges 1er Cru Les Vaucrains 2002 : Très fruité et rond, il est encore marqué par une pointe de gaz, qui possède un effet réducteur naturel, permettant de limiter l'apport de soufre. Cela donne beaucoup de fraîcheur au vin.

- Nuits-Saint-Georges 1er Cru Les Saint-Georges 2002 : Beaucoup de similitudes avec le précédent, la race et l'élégance en plus. Les tanins sont déjà  bien polissés. Très beau.

Pas faciles à  appréhender dans leur jeunesse, ces vins de Nuits, qui méritent du temps pour s'affiner! Vérification immédiate, preuve à l'appui, avec deux exemples en bouteille :

- Nuits-Saint-Georges 1er Cru Clos des Porrets 1999 : Une pointe de réduction à  l'ouverture, mais de la bonne réduction, celle qui protège le vin et lui permet de se révéler à  l'oxygénation. Des tanins très fins, bien enrobés, et de jolies notes de framboise bien marquées.

- Nuits-Saint-Georges 1er Cru Les Saint-Georges 1967 : Attention ! Moment rare ! Un vin filtré, contrairement à  la tendance actuelle du domaine, car c'était le souhait des clients américains majoritaires à  l'époque. La robe est rubis, encore soutenue, d'un bel éclat. Nez très ouvert sur de somptueuses notes tertiaires d'humus, de champignon, de sous-bois et puis surtout, après, du cacao ! Du bon, du Van Houten, dont les notes s'intensifient à  l'aération. Quelle élégance ! Quelle harmonie ! Quel fondu ! A maturité, évidemment, mais pour encore bien longtemps d'après Christian, car rien ne vient perturber cet équilibre, quasi intemporel ! Pas craché, celui-là  !

Pour clore cette belle série, il nous fallait passer par la cave des blancs, une originalité et quasi exclusivité de la maison sur le secteur de Nuits. Encore un coup du grand-père, qui a eu la surprise de découvrir une branche de grains blancs sur un pied de pinot noir. Une branche mutante qu'il a la bonne idée de couper et de greffer sur d'autres plants qui trouvèrent un terroir calcaire de prédilection au lieu dit Les Perrières.

- Bourgogne blanc 2003 : une mutation massale de pinot noir provenant de jeunes vignes dans le secteur des Dames Huguette. Un vin simple et franc, idéal à  partager entre amis, véritable concentré de pêches de vignes qu'on a l'impression de croquer à  pleines dents. Malo non faite, et on espère qu'elle ne se fera pas ! 13,3° naturel à la récolte !

- Nuits-Saint-Georges 1er Cru La Perrière 2003 : fruité (pêche et fruits blancs), sur des notes encore fermentaires, il est doté d'une belle minéralité qui lui confère une pointe de dureté. La perception de tanins en bouche, comme sur un vin rouge, témoigne de ses origines (pinot noir muté et non chardonnay).

- Nuits-Saint-Georges 1er Cru Les Saint-Georges 2003 : pour clore définitivement avant de se quitter, petit aperçu du millésime 2003 en rouge. La robe est sombre, presque noire, et pourtant brillante. Au nez, c'est encore du raisin, tandis qu'en bouche, on ressent nettement une belle acidité, malgré l'absence de mesures correctrices ! Les taux sont naturellement remontés pendant les vinifications, confortant Christian Gouges dans sa politique peu interventionniste. Beaucoup de mâche et d'astringence ! Il faut encore attendre avant de connaître le résultat final. Est-ce que le terroir va finir par supplanter le millésime ? C'est la grande interrogation du vigneron, qui se place toujours en retrait et observe !

La bouche bien retapissée par les tanins de ce 2003, nous pouvons à présent remonter à  la surface. La nuit est tombée sur Nuits, il est temps pour nous de continuer à  reprendre de la hauteur, direction le Haut-Doubs !

Ah ! La Bourgogne !

Olif et le GJP

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